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Avant-Propos

Avant-propos 34

Clotilde AUBRY DE MAROMONT

Maître de Conférences  à l’Université de la Réunion

Avant-Propos

La présente étude est le fruit d’une réflexion de laboratoire. À l’occasion d’un séminaire doctoral du Centre de recherche juridique (CRJ) de l’Université de la Réunion1Tous les semestres, un séminaire relatif aux « ouvrages de référence » donne l’occasion aux doctorants du centre de discuter d’ouvrages dont la lecture se révèle particulièrement utile pour aborder la réflexion doctorale. À l’occasion de ce séminaire qui a eu lieu le 23 mai 2019, l’ouvrage de Véronique Champeil-Desplats, Méthodologie du droit et des sciences du droit (Dalloz, coll. Méthodes du droit, 2e éd., 2016), était présenté par Agnès Vidot, doctorante en droit public à l’Université de La Réunion., les doctorants ont pu identifier une cause commune aux difficultés rencontrées en thèse : l’absence de formation à la recherche durant leur parcours universitaire. De cet écueil émergent des questions qui ne trouvent ni consensus ni réponses claires dans la littérature juridique alors qu’elles sont au fondement de la qualité du travail de recherche et du métier de chercheur : Comment conduire sa pensée et sa démonstration pour parvenir à un résultat de recherche en droit ? À quelles exigences scientifiques doit-on répondre lorsqu’on produit du savoir juridique ? Quels critères permettent de considérer qu’une démarche est scientifique ou ne l’est pas ? Au sein des laboratoires de recherche, le mimétisme, la reproduction et la transmission orale des « anciens » vers les « nouveaux » chercheurs sont le vecteur principal de la diffusion des attentes disciplinaires. Les jeunes chercheurs, pourtant confrontés à un travail d’ampleur et déterminant pour leur carrière, s’emploient à trouver par eux-mêmes, tant bien que mal, le cheminement intellectuel qui les mènera à produire du savoir selon les attentes de leur champ. Les doctorants du CRJ sont alors arrivés à un résultat qui n’est pas propre à leur parcours universitaire réunionnais et qui interroge, plus généralement, la formation à la recherche en droit : l’errance rencontrée à l’occasion de leur parcours s’explique en grande partie par la faiblesse des réflexions méthodologiques dans le cadre de la discipline juridique. Sans procédé identifié pour produire une réflexion et une démonstration – c’est-à-dire sans « méthode » –, il est en effet malaisé de trouver le cheminement intellectuel à emprunter pour conduire sa pensée et son raisonnement scientifique.
Ce résultat empirique issu de notre expérience de laboratoire nous a mené à réfléchir collectivement durant toute une année, aux problèmes méthodologiques rencontrés à l’occasion du travail de thèse. L’approche a consisté à observer la « recherche en train de se faire » sur le terrain d’un laboratoire de recherche juridique, au moyen de réflexions croisées entre doctorants et enseignants-chercheurs titulaires, et a notamment conduit à la tenue de deux journées d’étude sur la méthodologie de la recherche en droit les 16 et 17 décembre 2020. Ces journées ont été l’occasion d’échanges particulièrement stimulants et fructueux. La participation du chercheur au processus de production du droit, l’absence de mise à distance de l’objet de recherche, l’imbrication de la culture de recherche dans une culture praticienne, les écueils de la démarche doctrinale et la frilosité des jeunes chercheurs à s’en éloigner par conformisme disciplinaire et stratégie de recrutement, sont autant de sujets qui ont animé les débats. La qualité des réflexions a été rendue possible grâce à l’investissement des doctorants du laboratoire qui ont accepté de participer au projet en mettant en questions leur expérience de thèse au profit de l’étude : Amina Ali-Said, Justine Macaruella, Vanille Rullier, Roberto Thiancourt et Agnès Vidot. Nous tenons à saluer tout particulièrement l’initiative et l’implication d’Agnès Vidot qui a participé à la coordination de la réflexion tout à long du projet. La réflexion a été co-construite grâce à la participation d’Olivier Dupéré, Véronique Champeil-Desplats, Wanda Mastor et Frédéric Rouvière que nous remercions sincèrement. Enfin, le projet n’aurait pas pu voir le jour sans le soutien matériel et financier du CRJ et de l’association LEXOI. Nous souhaitons adresser nos plus chaleureux remerciements à Cathy Pomart, directrice du laboratoire, Isabelle Élisabeth et Karine Leygoute, gestionnaires de recherche, pour l’aide très précieuse qu’elle nous ont apportée dans l’organisation des journées d’étude.
Nous remercions, par ailleurs, les chercheurs qui ont accepté de s’associer à notre réflexion en complétant la phase d’observation et de réflexion critique par une phase d’analyse : Pierre-Emmanuel Audit, Anne-Sophie Chambost, Véronique Champeil-Desplats, Stéphane Gerry-Vernières, Laetitia Guerlain, Anne-Marie Ho-Dinh, Yannick Ganne, Marie-Claire Ponthoreau, Xavier Prévost et Diana Villegas. Nous leur avons demandé de nous aider à comprendre pourquoi les facultés de droit sont restées à la marge des réflexions méthodologiques et notamment des réflexions qui animent les sciences sociales, et si ce positionnement pouvait encore se maintenir aujourd’hui. Parce que la méthode est au coeur de la démarche scientifique à l’Université, en ce qu’elle fonde la validité du savoir produit, il nous est apparu légitime de nous questionner sur le statut si particulier de la recherche juridique. L’étude s’est ainsi prolongée par une réflexion relative aux cadres de la recherche juridique de nature à mettre en lumière comment ils se sont constitués en autonomie disciplinaire, d’une part, et comment ils peuvent aujourd’hui se repenser par une ouverture de la discipline, d’autre part. C’est le fruit de cette étude mêlant empirie et analyse, qui composera ce numéro des cahiers de méthodologie de la Revue de la Recherche Juridique.

Nous adressons enfin nos plus sincères remerciements à Jacques Chevallier, dont les réflexions sur le savoir juridique nous ont largement inspirées, d’avoir accepté de nous livrer ses propos conclusifs, à Olivier Provini et à Frédéric Audren pour leur aide dans l’élaboration du projet, mais aussi à Frédéric Rouvière pour sa confiance.

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