Avant-Propos
Frédéric ROUVIÈRE
Professeur à l’Université d’ Aix-Marseille, Laboratoire de Théorie du droit
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Avant-Propos
La formation des juristes est une question intemporelle et éternelle qui a fait l’objet de débats depuis le droit romain et n’a cessé de se renouveler depuis la redécouverte du corpus iuris civilis et ce jusqu’à nos jours. Le renouveau incessant des débats tient au fait que la formation des juristes est indissociable d’une théorie du droit et du savoir juridique mais encore qu’elle est évidemment nécessaire pour la pratique du droit.
De même, il est clair que l’on n’enseigne pas le droit de la même façon selon qu’on adhère à la glose de Bartole, au mos gallicus de Cujas, au mos geometricus de Domat ou à la dogmatique contemporaine de Planiol et Ripert. Mais au-delà de ce lien entre épistémologie et enseignement qui mérite d’être analysé et explicité à nouveaux frais, le début du XXIe siècle pose aussi grandement la question des nouveaux supports de formation. En effet, la formation des juristes est plus large que l’enseignement qui est dispensé dans les seules facultés de droit. Elle concerne aussi les grandes écoles (Science-Po, l’ENA, l’ENM, HEC etc.) mais surtout la formation continue des professionnels du droit qu’ils soient avocats, magistrats, notaires ou juristes d’entreprise. Il ne s’agit pas seulement de pointer dans ce dernier domaine le tournant essentiel du numérique mais encore de se demander si la gestion de bases de données toujours plus vastes et si l’arrivée de la justice dite « prédictive » doit nous conduire à repenser les modalités de la formation des juristes et les adapter à ces nouveaux outils.
L’enjeu pratique de la formation des juristes est manifeste que ce soit pour la conception des programmes des facultés de droit et des grandes écoles ou pour l’avenir des professions du droit. L’enjeu théorique de la formation des juristes n’en est pas moins fondamental que ce soit pour discuter le concept de droit ou celui de savoir juridique. Enfin, l’enjeu pédagogique est encore plus manifeste pour analyser les modalités de la transmission du savoir : approche en termes de contenu, de compétences ou d’autres types d’approches. Autant d’éléments qui sont au croisement de la pratique, la théorie et de la pédagogie de façon générale.
L’objet de ces Cahiers de méthodologie est de nourrir une triple réflexion qui porte d’abord sur le défi épistémologique de la formation des juristes, la formation des juristes hors les facultés de droit (essentiellement les professionnels), enfin sur la formation des juristes face aux défis numériques. Il s’agit d’interroger la formation plus que la pédagogie et la didactique même si ces éléments font bien entendu partie d’un même contexte pratique et théorique.