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L’émergence d’une culture judiciaire européenne commune ?

Cahiers N°23 - RRJ - 2009-5, INTRODUCTION

Sylvie CIMAMONTI

Professeur à l’Université Paul Cézanne
Directrice de l’Institut de sciences pénales et de criminologie
Directrice du Centre de recherches en matière pénale Fernand Boulan
(EA 32-41)

Introduction
1. L’appel à projets.  L’émergence d’une culture judiciaire européenne, tel est le titre de l’appel à projets lancé fin 2006 par la Mission de recherche Droit et justice1www.gip-recherche-justice.fr. auquel a répondu la Faculté de droit et de science politique d’Aix-en-Provence par l’intermédiaire de certains de ses enseignants et centres de recherche et qui a abouti à la signature d’une convention de recherche de deux ans avec l’Université Paul Cézanne. Il s’exprimait en ces termes : « … , au-delà des questions institutionnelles, nécessairement liées à un contexte politique relativement mouvant – ce que les deux années qui viennent de s’écouler ont amplement confirmé –, ne peut-on pas constater l’existence – ou du moins, l’émergence – de ce qui serait “une culture judiciaire européenne”, sorte de socle commun de principes et de pratiques sur lequel se construirait progressivement une Europe de la Justice ? ».
2.  Une question quotidienne. Même si tout un chacun est loin d’en avoir conscience, il s’agit là d’une question quotidienne. L’actualité, bonne fille avec les organisateurs de ce colloque, en fournit une confirmation éclatante :

– en matière administrative : le commissaire du gouvernement est mort ! Vive le rapporteur public ! depuis le récent décret no 2009-14 du 7 janvier 2009 relatif au rapporteur public des juridictions administratives et au déroulement de l’audience devant ces juridictions ;

– en matière civile et commerciale : faisant suite à deux règlements communautaires de 2006 et 2007, le décret no 2008-1346 du 17 décembre 2008 relatif aux procédures européennes d’injonction de payer et de règlement des petits litiges vient d’introduire deux chapitres correspondant dans le code de procédure civile, et vient d’être publié le règlement CE no 4/2009 du Conseil du 18 décembre 2008 relatif à la compétence, la loi applicable, la reconnaissance et l’exécution des décisions et la coopération en matière d’obligations alimentaires ;

– en matière pénale : une décision-cadre 2008/978/JAI du Conseil du 18 décembre 2008 introduit le tant attendu depuis 2003 mandat européen d’obtention de preuves (visant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales) ; deux jours auparavant, le 16 décembre, était intervenue une décision relative 2008/976/JAI du Conseil concernant le réseau judiciaire européen (en matière pénale).

Ces quelques exemples illustrent déjà que la question de l’émergence d’une culture judiciaire européenne peut s’inscrire dans une double approche non seulement juridique celle de la construction de l’Europe de la Justice, mais aussi sociologique (qu’il s’agisse de sociologie à l’évidence judiciaire comme politique) : s’agit-il de volonté politique ou d’action ? Quelles sont les logiques de participation des acteurs (collaboration / compétition)2Antoine MEGIE, « Arrêter et juger en Europe. Genèse, lutte et enjeux de la coopération pénale. Généalogie du champ de la coopération judiciaire européenne », Cultures& Conflits no 62 (2/2006), p. 11.. Il faut naturellement préciser les choses plus avant. C’est ce que je tenterai de faire dans ce rapport introductif. Cette culture judiciaire européenne émergente, je vous propose d’en analyser d’abord les termes (I) avant de tenter d’en explorer la structuration (II) puis d’en mesurer la taille (III).

I. L’analyse des termes

3.  Si l’association des trois termes de culture judiciaire européenne conduit à préciser l’objet général de la recherche (A), la notion d’émergence – qui pourrait faire douter de sa faisabilité – nécessite de préciser son cadre (B).

A.  La définition de l’objet : la culture judiciaire européenne

4.  Culture. Antoine Garapon l’a utilement rappelé « Comment appréhender une culture ? La culture fascine autant qu’elle échappe : cherche-t-on à la saisir ? Elle s’enfuit. À la définir ? Elle se montre rebelle à tout enfermement dans un concept. À la quantifier ? Elle se dissipe sous les chiffres. N’est-ce pas d’ailleurs cette imprécision qu’on aime dans cette idée qui exprime des intuitions plus que des certitudes, des hypothèses qui ne pourront jamais être confirmées »3Antoine GARAPON, « Culture(s) judiciaire(s) », in Dictionnaire de la Justice sous la direction de Loïc CADIET, PUF 2006, p. 299..
Il faut néanmoins tenter de le faire quitte à grossir le trait, à prendre le risque du schéma si ce n’est celui de la caricature. Parmi de multiples sens, le terme culture semble alors renvoyer ici plus particulièrement à deux acceptions.
En un premier sens, la culture renvoie à la constitution de personnes en une entité particulière, une communauté, une collectivité ; « l’habitus d’une communauté, micro-société là où la civilisation apparaît comme une hyper-société »4Loïc CADIET, « Questionnaire relatif au thème no 3 Culture et Droit processuel », in Association Henri Capitant des amis de la culture juridique française, Journées louisianaises 19-23 mai 2008 Droit et Culture..
Le terme renvoie par ailleurs à l’héritage, à la tradition5Dictionnaire encyclopédique de théorie et de sociologie du droit, Vo « Tradition », LGDJ Story sciencia ; H. Patrick GLENN, Legal Traditions of the World, Oxford University Press 2000, « La tradition juridique nationale », conférence Cour de cassation 6 février 2003.. Et l’on conçoit immédiatement que celle-ci – l’héritage d’un passé – puisse faire obstacle à la constitution de celle-là – une nouvelle construction sociale.

5.  Culture(s) judiciaire(s). En ce second sens et appliqué en Europe à la sphère judiciaire, c’est à dire plus précisément juridictionnelle6Jean-François KRIEGK, « La culture judiciaire : une contribution au débat démocratique ? », D. 2005, p. 1592. qui inclut donc aussi  la justice administrative, c’est alors des cultures judiciaires au pluriel7Antoine GARAPON, « Qu’est-ce qu’une culture judiciaire ? », IHEJ 2002 ; Antoine GARAPON et Ioannis PAPADOPOULOS, Juger en Amérique et en France, Odile JACOB 2003 ; Antoine GARAPON, Dictionnaire de la Justice, préc. qu’il faut parler et dont il faut partir puisque les cultures judiciaires, prises comme élément des cultures juridiques, sont par définition nationales8Antonio VITORINO, « L’Europe judiciaire que nous bâtissons ensemble », Assemblée constitutive de l’association des présidents de Cours suprêmes judiciaires, Paris, 10 mars 2004..
Au sein de l’Union européenne et plus encore du Conseil de l’Europe, la diversité des cultures judiciaires nationales9Pour des illustrations, V. par exemple « Principe de collégialité et cultures judiciaires », colloque du Groupement de recherches comparatives en droit constitutionnel administratif et politique (GRECCAP) et du Centre d’études et de recherches comparatives sur le constitutions, les libertés et l’État (CERCLE), Université Montesquieu Bordeaux IV, 20-21 septembre 2007. renvoie à des oppositions qui sont elles-mêmes multiples :

– opposition classique des pays de common law et des pays de civil law ou tradition romano germanique,
– mais aussi opposition des pays en transition et des pays de tradition juridique ancienne.

Ces oppositions, et singulièrement la première, doivent toutefois être immédiatement relativisées.
D’abord, parce qu’en deçà de la summa divisio celle-ci ne doit pas masquer une diversité interne au sein de chaque grande catégorie par exemple entre la France et l’Allemagne ou encore l’Italie, voire au sein d’un même pays ainsi en France entre la justice judiciaire assurément civiliste et la justice administrative qui présente des points communs avec la magistrature anglaise10Antoine GARAPON, Dictionnaire de la Justice, préc ; Jean-Paul JEAN et Denis SALAS, « Culture judiciaire et culture administrative », Revue française d’administration publique 2008/1, no 125, p. 5 ; Hélène PAULIAT, « Le modèle français d’administration de la justice : distinctions et convergences entre justice judiciaire et justice administrative », ibidem, p. 93..
C’est déjà dire ensuite, cette fois au-delà de la summa divisio, que cette diversité n’exclut pas l’identification de convergences11Vivian CURRAN, « Plurijuridisme et convergence entre le droit commun et le droit civil », in Le plurijuridisme, actes du 8ème congrès de l’Association internationale de méthodologie juridique, PUAM 2005, p. 225., à tout le moins de points de vue ou problèmes communs12Flora LEROY-FORGEOT, « Culture britannique et culture européenne : éléments d’une évolution politico- juridique », Droit et Société 40-1998, p. 613.… qui n’ont toutefois « pas forcément le même sens, la même portée dans des contextes de culture judiciaire différents »13Horatia MUIR WATT, « Quelques remarques d’ordre comparatif sur la notion d’accountability appliquée à la justice », Intervention Cour de cassation 2003 ; Adde à propos de la notion de ragionevolezza, Paul MARTENS, « L’ébauche d’une culture commune des cours suprêmes constitutionnelles », in « Le dialogue des juges », actes du colloque organisé le 28 avril 2006 à l’Université libre de Bruxelles, Les cahiers de l’Institut d’études sur la Justice, no 9, Bruylant 2007, p. 9..

6.  Culture judiciaire européenne. S’inscrivant à l’échelle régionale de l’Europe, celle de l’Union européenne dans la dialectique de l’unité dans la diversité mais aussi du Conseil de l’Europe, la culture judiciaire européenne renvoie alors à la possibilité d’une culture judiciaire commune14Robert JACOB, « L’Europe, une culture judiciaire commune ? », Les cahiers de l’IHEJ, no 2, octobre 1994, p. 2. ou partagée15Jean-Louis NADAL, « Quel rôle pour le ministère public ? », D. 2007, p. 2296. ; culture européenne partagée d’une communauté ou tradition européenne commune et ce aussi bien dans la perspective verticale – qu’elle soit d’ailleurs ascendante ou descendante – des relations des États avec l’entité européenne que dans la perspective horizontale des relations des États entre eux.
Même si elles peuvent se superposer, l’approche d’une culture judiciaire européenne commune est distincte de celle d’une culture commune entre États connaissant un stade de développement similaire induite par les phénomènes contemporains de mondialisation ou d’universalisation.
La première approche, seule retenue, ne renvoie pas tant à la perte d’influence tant redoutée d’une culture judiciaire nationale au profit d’une autre ni même peut-être à leur convergence mais plutôt à l’incorporation, l’intégration d’une forme tierce, européenne, par les cultures nationales, ce qui n’exclue la possibilité ni d’une appropriation particulière de la culture commune par chaque tradition nationale16V. par exemple pour la Grande-Bretagne : Duncan FAIRGRAIVE, « La “silencieuse révolution” du droit européen en Grande-Bretagne », in Séminaire de philosophie du droit « Vers un modèle européen du droit ? » École nationale de la magistrature 27 janvier 2003 ; Sophie ROBIN-OLIVIER, « L’européanisation judiciaire du droit britannique : analyse de la décision de la Chambre des Lords dans l’affaire Belmarsh », Mélanges Danièle Lochak, 2007, p. 271., ni même d’une culture commune à plusieurs vitesses ou à géométrie variable au gré par exemple de coopérations renforcées entre certains États17Bruno RACINE, Patrice BUFFOTOT, Guy CANIVET, Jean PISANI-FERRY, « Perspectives de la coopération renforcée dans l’Union européenne. Rapport de synthèse et quatre rapports sectoriels », Commissariat général du plan. CAS. La documentation française 2004., voire encore de plusieurs cultures européennes s’il s’avérait que les deux Europes judiciaires – celle de l’Union européenne et celle du Conseil de l’Europe – ne génèrent pas une seule et même culture judiciaire européenne commune : autant d’hypothèses qu’il conviendra là encore de vérifier.
En tout état de cause, cette culture judiciaire européenne commune n’est pas une donnée historique (encore moins un acquis), mais tout au plus émergente dans un cadre qu’il convient de préciser plus avant.

B. La délimitation du cadre : l’émergence

7.  La culture ne se décrète pas. L’émergence, qui a déjà pu être qualifiée en soi d’énigme18Eliott SOBER, « L’énigme de l’émergence », Science et Avenir, hors-série, 2005 no 143., appliquée à l’objet de la recherche aboutit à une difficulté redoutable car il en va de la culture judiciaire au surplus commune comme de la confiance : elle ne se décrète pas19Franco FRATTINI, « L’Europe par le droit », Cour de cassation audience de rentrée 2007. et doit être gagnée20Geert CORSTENS, « Vers une justice pénale européenne ? » in Mélanges Jean PRADEL, Cujas 2006, p. 1033.. Ne pouvant être imposée21Pierre-Yves MONJAL, « Au fondement du droit de l’Union européenne. Recherches doctrinales sur le concept de “commun” », RDP 2007, no 5, p. 1291., elle ne peut naître, émerger, comme le dit le philosophe rhénan Jürgen Habermas, que de l’intérieur22Cité par Guy CANIVET, Cour de cassation audience de rentrée 2007 : « L’intégration n’est pas une voie à sens unique : lorsqu’elle marche, c’est qu’elle fait vibrer les cultures nationales fortes de telle sorte qu’elles deviennent poreuses, réceptives, sensibles dans les deux sens en même temps : vers l’intérieur et vers l’extérieur. Lorsque des cultures fermées s’ouvrent de l’intérieur, elles s’ouvrent du même coup les unes aux autres ».. Si l’on ajoute que la culture ne se prouve pas23Loïc CADIET, op. cit., la difficulté paraît confiner à l’impasse… Il y a pourtant, semble-t-il, deux raisons de poursuivre sur le sujet dans le cadre de l’Union européenne.

8. Espace judiciaire européen. La première, générale, tient dans ce cadre au changement de statut de la justice qui est passé de celui de moyen de faire appliquer le droit communautaire sur le territoire de la communauté à celui de fin, d’objectif en soi depuis le traité d’Amsterdam. L’émergence d’une culture judiciaire européenne participe donc de cette Europe de la justice, de cet espace judiciaire européen (l’espace justice et affaires intérieures, l’espace de liberté de sécurité et de justice) en termes d’efficacité comme d’effectivité, même si l’expression n’apparaît toujours pas dans le glossaire d’Europa24http://europa.eu/scadplus/glossary/index_fr..

9.  Confiance et reconnaissance mutuelles. Mais à quel niveau ? Parce qu’une harmonisation et a fortiori une unification des législations affectant les cultures judiciaires nationales25Alessandro BERNARDI, « Le droit pénal entre unification européenne et cultures nationales », Mélanges Jean PRADEL, Cujas 2006, p. 955. en vue d’un modèle européen de justice peut être ressentie en des termes parfois décrits comme une aliénation26Geer CORSTENS, op. cit., c’est au niveau plus modeste de la coopération judiciaire et en liaison avec les notions de confiance et reconnaissance mutuelles que l’émergence d’une culture judiciaire européenne s’inscrit même désormais officiellement dans les textes relatifs à l’espace judiciaire européen ce qui constitue une seconde raison plus précise. Il s’agit donc d’une culture judiciaire européenne adossée aux principes de reconnaissance et de confiance mutuelles dans la construction de l’espace judiciaire européen. Cette inscription fournit plus précisément un double cadre d’étude.
Un premier cadre très général est d’abord donné par les instruments mêmes de la reconnaissance mutuelle. Il ne s’agit pas de les étudier en eux-mêmes mais pour ce que leur économie et leur fonctionnement est à même de révéler à la fois sur la diversité des cultures nationales et sur les avancées et difficultés de l’émergence d’une culture judiciaire européenne. C’est la perspective retenue par l’appel à projets de la mission Droit et Justice lorsqu’il affirme « Ainsi, le mandat d’arrêt européen ou la reconnaissance mutuelle des décisions de justice apparaissent comme autant d’indices de l’existence d’une culture judiciaire commune qui se matérialise dans ces outils juridictionnels. La confiance mutuelle entre systèmes judiciaires est l’une des préoccupations de l’Union européenne et la Commission européenne contribue à son développement (on songe notamment au livre vert de février 2003 sur les garanties procédurales permettant d’éviter que les pratiques divergentes ne constituent une entrave à la reconnaissance mutuelle). Pour autant, ces mécanismes ne sont pas sans limites… ».
Il faut alors nécessairement distinguer, en l’état actuel de la construction européenne, entre l’économie et le fonctionnement des différents règlements :
– en matière civile et commerciale d’une part (règlement « Bruxelles I », règlements « Bruxelles II et II bis, règlements sur la procédure),
– et les difficultés successives de négociation, de transposition et d’application des décisions cadre sur la reconnaissance mutuelle en matière pénale, le mandat d’arrêt européen et les autres instruments, à l’heure où deux nouveaux textes viennent d’être adoptés fin 200827Décision-cadre 2008/947/JAI du Conseil du 27 novembre 2008 concernant l’application du principe de reconnaissance mutuelle aux jugements et aux décisions de probation aux fins de la surveillance des mesures de probation et des peines de substitution, JOUE 16.12. 2008 L 337/102 et décision-cadre 2008/978/JAI du Conseil du 18 décembre 2008 relative au mandat européen d’obtention de preuves visant à recueillir des objets, des documents et des données en vue de leur utilisation dans le cadre de procédures pénales, JOUE 30.12.2008 L 350/72..
La culture judiciaire européenne apparaît donc, dans ce cadre général, comme l’un des « ingrédients » de la confiance mutuelle entre États membres nécessaire à la coopération et à la mise en œuvre du mécanisme de reconnaissance mutuelle, ce qui appelle néanmoins un certain nombre d’interrogations. On en retiendra deux. La première porte sur les liens entre confiance et reconnaissance mutuelles et culture judiciaire. La confiance mutuelle est-elle le préalable ou la conséquence de la reconnaissance mutuelle28Guy CANIVET, « La construction de l’espace judiciaire européen », École nationale des greffes, Dijon, 3 octobre 2006. ou les deux à la fois autrement dit son corollaire ? Si la confiance mutuelle semble bien à la base du recours au mécanisme de reconnaissance mutuelle, elle conditionne également ensuite son bon fonctionnement. Cette confiance est-elle alors l’élément permettant le renforcement d’une culture judiciaire commune29Maik MARTIN, « Arrêter et juger en Europe. Genèse, luttes et enjeux de la coopération pénale. Franchir l’infranchissable ? Coopération judiciaire et reconnaissance mutuelle dans un espace européen de justice, liberté et sécurité », Cultures & Conflits no 62 (2/2006), p. 63 ; Vissarion GIANNOULIS, « La question de la preuve européenne : un besoin de réformes pratiques pour améliorer la coopération judiciaire mutuelle », RSC 2005, p. 437 : « Pourtant ces deux institutions (réseau judiciaire européen et Eurojust) peuvent créer une culture juridique commune fondée sur une confiance mutuelle entre les personnes qui luttent pour un objectif commun ». ou cette culture judiciaire commune est-elle avant tout une « culture de la confiance »30Jean-Louis NADAL, « Propos introductifs » à la conférence de Robert BADINTER, « L’avenir : vers une justice européenne ? » du 22 juin 2006, cycle de conférences à la Cour de cassation 2006 « La procédure pénale en quête de cohérence ». ? La deuxième interrogation concerne les rapports entre harmonisation et culture judiciaire commune. Il semble bien a priori s’agir de voies différentes.
Néanmoins l’harmonisation se heurte indubitablement à la diversité des cultures judiciaires nationales et une harmonisation partielle du droit processuel notamment sous la forme de normes minimales pourrait favoriser l’émergence d’une culture commune31Alessandro BERNARDI, prec..
Le second cadre, plus précis, d’étude résulte de différentes références textuelles à l’émergence d’une culture judiciaire européenne. Cela est particulièrement net dans les communications de la Commission ayant suivi les Conseils européens de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 qui entendait faire de la reconnaissance mutuelle la pierre angulaire de la construction de l’espace judiciaire européen et de La Haye (également appelé « Tampere II ») des 4 et 5 novembre 200432Programme de la Haye : renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l’Union européenne, (2005/C 53/01), JO UE 3.3.2005. Point 3.2. Accroître la confiance mutuelle : « La coopération judiciaire dans les matières tant pénales que civiles pourrait être encore développée en renforçant la confiance mutuelle et en faisant émerger progressivement une culture judiciaire européenne fondée sur la diversité des systèmes juridiques de États membres et sur l’unité par le droit européen ». et le Plan d’action du 12 août 2005 mettant en œuvre le programme de La Haye33Plan d’action du Conseil et de la Commission mettant en oeuvre le programme de La Haye visant à renforcer la liberté, la sécurité et la justice dans l’Union européenne (2005/C 198/01), JO UE 12.8.2005. Communication du 10 mai 2005 de la Commission au Conseil et au Parlement européen. Le programme de La Haye : dix priorités pour les cinq prochaines années. Un partenariat pour le renouveau européen dans le domaine de la liberté, de la sécurité et de la justice. COM(2005) 184 final. Point 2-3. Dix priorités pour les cinq années à venir : un partenariat pour le renouveau européen. (9) Justice pénale et civile : garantir à tous un véritable espace européen de justice : « La confiance mutuelle peut être renforcée grâce à l’émergence progressive d’une culture judiciaire européenne prônée par le programme de La Haye, sur la base de la formation et de la constitution de réseaux »..

Ainsi la communication sur la reconnaissance mutuelle des décisions de justice en matière pénale et le renforcement de la confiance mutuelle entre les États membres du 19 mai 200534COM (2005) 195 final. l’évoque à deux reprises.
Le renforcement de la confiance mutuelle, clef du bon fonctionnement de la reconnaissance mutuelle, implique d’une part des mesures législatives, d’autre part une série d’actions pratiques envers les professionnels de la justice visant à renforcer chez eux le sentiment de partager une « culture judiciaire commune »35Point 18.. Il s’agit donc pour la Commission de deux axes différents : d’un côté l’harmonisation du droit pénal procédural par l’adoption d’une série de mesures législatives portant sur la protection des droits individuels et la clarification des critères de compétences juridictionnelles lorsque plusieurs États membres peuvent intervenir sur une même affaire et de l’autre la création d’une culture judiciaire européenne qu’elle souhaite aider à se constituer36Antonio VITORINO, prec. sous la forme de mesures d’accompagnement des précédentes mesures législatives.
Plus précisément alors :

« Le programme de La Haye insiste sur l’importance d’améliorer la compréhension mutuelle entre les autorités judiciaires et les différents systèmes juridiques. Pour cela, il préconise en premier lieu de développer des réseaux d’organisations et d’institutions judiciaires tels que le réseau des Conseils supérieurs de la magistrature et le réseau européen des Cours de cassation avec lesquels la Commission souhaite développer des relations étroites. En multipliant les rencontres entre professionnels et en favorisant la réflexion notamment sur la mise en œuvre des instruments de l’Union et des thèmes de préoccupation transversaux tels que la qualité de la justice, de tels réseaux, qui doivent également inclure les avocats, devront jouer un rôle clef dans la constitution progressive d’une “culture judiciaire commune” »37Point 33..

La communication du 29 juin 2006 sur la formation judiciaire dans l’Union européenne38COM(2006) 356 final. insiste à nouveau sur les voies de cette émergence :

« Cette culture judiciaire européenne repose sur le sentiment d’appartenance à un même espace
que doivent partager les professionnels de la justice des États membres.
Au-delà de la diversité et de la richesse des systèmes judiciaires nationaux, cet espace se caractérise en particulier par des valeurs fondamentales communes incarnées notamment dans la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales et dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et par un corpus juridique partagé incluant le droit communautaire comme le droit de l’Union.
Le développement du principe de reconnaissance mutuelle, qui conduit à exécuter rapidement et simplement dans chaque État membre les décisions de justice prises dans les autres États membres, exige le renforcement de ce sentiment d’appartenance commune en même temps qu’il contribue à le consolider. Le principe de contact direct entre autorités judiciaires, qui est affirmé dans la plupart des instruments de coopération judiciaire, en est une des autres composantes »39Point 4..

La communication du 4 février 2008 relative à la création d’un forum de discussion sur les politiques et pratiques de l’UE en matière de justice explique que :

« en réunissant régulièrement les spécialistes et en encourageant l’échange de vues concernant la mise en œuvre des instruments de l’UE ainsi que sur les politiques de l’Union en matière de justice et leur interaction avec les systèmes judiciaires nationaux, le Forum contribuera de manière déterminante à améliorer la compréhension mutuelle, à créer progressivement une culture judiciaire commune et à développer la confiance réciproque »40COM/2008/0038 final, point 31..

10. Culture judiciaire européenne et respect des différents systèmes et traditions juridiques nationaux. Il faut immédiatement souligner que cette promotion d’une culture judiciaire européenne s’inscrit dans la création d’un espace judiciaire européen respectueux des traditions et systèmes juridiques des États membres. Il s’agit d’une culture judiciaire européenne ancrée dans la diversité des systèmes et  traditions juridiques prévalant au niveau national. La coopération judiciaire en Europe n’a pas pour effet ou pour objet de supprimer les différences de cultures juridiques et les cultures judiciaires qui leur sont associées. Le Conseil européen et la Commission rappellent d’ailleurs presque toujours dans les textes qui invoquent l’« émergence d’une culture judiciaire commune » et le développement de confiance mutuelle que celles-ci se réaliseront dans le respect des cultures et des traditions judiciaires nationales. Le Conseil européen de Tampere des 15 et 16 octobre 1999 constate, que :

« dans un véritable espace européen de justice, l’incompatibilité ou la complexité des systèmes juridiques et administratifs des États membres ne devraient pas empêcher ou dissuader les particuliers et les entreprises d’exercer leurs droits »41Point 28..

Le Programme de La Haye du 13 décembre 200442Conseil de l’Union européenne, Bruxelles, 13 décembre 2004, 16054/04-JAI 559., sous le paragraphe intitulé « accroître la confiance mutuelle »43Paragraphe 3.2 p 27., prévoit que :

« la coopération judiciaire dans les matières tant pénales que civiles pourrait être encore développée en renforçant la confiance mutuelle et en faisant émerger progressivement une culture judiciaire européenne fondée sur la diversité des systèmes juridiques des États membres et sur l’unité par le droit européen »44Souligné par nous..

Ce programme précise, à titre préliminaire, qu’il « est fondé sur les principes généraux que sont la subsidiarité, la proportionnalité et la solidarité et sur le respect des différents systèmes et traditions juridiques des États membres »45Programme de La Haye du 13 décembre 2004, op. cit., II. Orientations générales, 1. Principes généraux, p. 4..
L’émergence d’une culture judiciaire européenne, la formule – qui a aujourd’hui débordé le domaine des textes communautaires pour gagner celui du discours politique, notamment à l’occasion de la présidence française de l’Union en 2008, comme doctrinal – a-t-elle seulement une fonction incantatoire, n’est-elle qu’un nouveau slogan destiné par sa répétition rituelle à forger un véritable mythe (un de plus ?) ou correspond elle à une réalité qui commanderait des éléments plus structurants (pour la communauté concernée) et constitueraient autant de voies à explorer ?

C’est ce qu’il convient de rechercher dans un second temps.

 

II. L’exploration de la structure

11.  L’émergence d’une culture judiciaire européenne commune adossée aux principes de reconnaissance et de confiance mutuelles est à même, au-delà de la diversité des cultures nationales, d’être facilitée si les intéressés se savent apparentés sur un certain nombre de points, sur lesquels une action peut être dirigée suivant des méthodes diverses. Comme dans toute construction, il y a des éléments structuraux –porteurs – ce sont les piliers de la confiance (A) sur la base desquels la construction peut être entreprise et sa solidité renforcée suivant différents procédés (B).

A.  Les éléments structuraux : les piliers de la confiance

12.  La confiance est à même d’exister à condition que les intéressés éprouvent si ce n’est la certitude d’avoir des choses en commun, du moins la conviction d’être d’accord sur l’essentiel ce qui, s’agissant de culture(s) judiciaire(s), revient à appréhender successivement les traditions juridiques, système judiciaire et acteurs judiciaires.

13. Traditions juridiques et principes communs. La première certitude, la première conviction, est celle d’avoir des traditions juridiques consacrant des valeurs et principes communs.
Les textes précités l’expriment à plusieurs reprises :

– « Au-delà de la diversité et de la richesse des systèmes judiciaires nationaux, cet espace se caractérise en particulier par des valeurs fondamentales communes incarnées notamment dans la Convention de sauvegarde des Droits de l’Homme et des Libertés fondamentales et dans la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, et par un corpus juridique partagé incluant le droit communautaire comme le droit de l’Union »46COM(2006) 356 final, point 4. ;

– ce qui conduit naturellement à

« prendre en compte la jurisprudence de la
Cour de justice des communautés européennes à Luxembourg et celle de la Cour européenne des droits de l’homme à Strasbourg, et le fait que ces deux jurisprudences doivent être cohérentes »47P6 TA (2005) 0030, préc., points D et E..

Ceci nous donne finalement trois directions quant à une certaine répartition entre ce qui relève des traditions juridiques nationales et ce qui serait l’émergence d’une tradition commune, cette dernière étant prise ici comme premier pilier de la confiance, élément porteur de la culture judiciaire européenne.
Première direction, Strasbourg, Laurent BENOITON, doctorant, chargé d’enseignement à l’Université de la Réunion, s’interrogera (entre marge nationale d’appréciation et consensus européen) sur « Culture judiciaire commune et principes communs du procès ».
Du côté de la deuxième direction, Luxembourg, sera certainement évoquée ce matin l’interprétation « autonome » des notions et surtout des principes, avec naturellement à ce stade, une mention spéciale pour la « confiance mutuelle » que ce soit en matière civile, ou en matière pénale comme l’a encore illustré récemment l’arrêt Bourquain de la Cour de justice du 11 décembre 200848Aff. C-297/07. au regard du principe ne bis in idem.
La troisième direction, la recherche de cohérence doit être envisagée : non seulement entre ces deux jurisprudences, mais plus largement, au-delà, entre la Convention européenne des droits de l’homme et les instruments de l’espace judiciaire européen : les garanties de la Convention sont-elles sauvegardées dans le jeu des mécanismes de la reconnaissance mutuelle ?

14.  Systèmes judiciaires et culture de l’évaluation. Le deuxième pilier de la confiance mutuelle porte sur une autre certitude, une autre conviction : celle la mise en œuvre effective de ces valeurs fondamentales qui viennent d’être évoquées, de leur expression « au sein de systèmes judiciaires qui demeurent culturellement divers, sinon radicalement différents »49Robert BADINTER, préc., ce qui suppose à nouveau, au préalable, leur connaissance source d’une meilleure compréhension mutuelle.
Là se situe le terrain d’action de la CEPEJ (Commission européenne pour l’efficacité de la Justice) instituée en 2002 dans le cadre du Conseil de l’Europe50Résolution Res(2002)12 du Comité des ministres du Conseil de l’Europe du 18 septembre 2002 établissant la Commission européenne pour l’efficacité de la justice (CEPEJ). dont le but « est (a) d’améliorer l’efficacité et le fonctionnement du système judiciaire des États membres, afin d’assurer que toute personne relevant de leur juridiction puisse faire valoir ses droits de manière effective, renforçant ainsi la confiance des citoyens dans la justice et (b) de permettre de mieux mettre en œuvre les instruments juridiques internationaux du Conseil de l’Europe relatifs à l’efficacité et à l’équité de la justice. »51Article 1.. C’est au delà du poids des traditions et des différences d’organisation judiciaire qui transparaissent notamment dans ses rapports successifs52Rapports 2006 (données 2004) et 2008 (données 2006) sur les systèmes judiciaires européennes., une véritable culture de l’évaluation des systèmes judiciaires, qui est développée comme prônée en leur sein.

15.  Acteurs judiciaires et culture de la formation. Le troisième pilier, celui de la confiance qui doit encore exister dans les magistrats et les professionnels de justice des autres États qui incarnent les traditions juridiques et les systèmes judiciaires qui viennent d’être évoqués et les mettent concrètement en œuvre dans des décisions soumises à reconnaissance mutuelle53Robert BADINTER, préc., amène enfin, au-delà des compétences et des qualités intrinsèques de chacun, à poser plus généralement la question de la formation des acteurs judiciaires54Jean-Louis NADAL, préc..
À défaut pour l’instant d’une formation commune – que certains appellent de leurs vœux sous la forme d’un institut judiciaire européen55Robert BADINTER, préc. – la certitude que ces magistrats reçoivent une formation suffisante renvoie dans les États à une culture de la formation (quelle qualité ? quel contenu ?).

Il faudrait, en conclusion de l’édification de ces trois piliers, se poser encore deux questions.

–  D’une pierre, deux coups : culture judiciaire et citoyenneté européennes ?
Ces trois piliers de la confiance pourraient en quelque sorte faire d’une pierre deux coups et servir de bases à une double émergence : celles d’une culture judiciaire et d’une citoyenneté européenne. Il semble pourtant, à l’étude des différentes communications envisagées, que le citoyen soit prioritairement concerné par la promotion d’une autre notion émergente, celle de citoyenneté européenne ou de l’Union européenne beaucoup plus que par celle de culture judiciaire européenne. Or, si les deux notions obéissent à un schéma de construction globalement similaire, il ne paraît pas possible d’inscrire la seconde dans le champ de la première. En effet, tandis que la culture judiciaire européenne renvoie, au-delà de la diversité des traditions juridiques et des systèmes judiciaires, au renforcement du sentiment d’appartenance commune, « la promotion de la citoyenneté de l’Union européenne devrait renforcer le sentiment d’appartenance à une union partageant les mêmes valeurs et droits fondamentaux, tout en préservant et en respectant la diversité des cultures et traditions des peuples d’Europe »56Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen établissant pour 2007-2013 un programme cadre « Droits fondamentaux et justice » du 6 avril 2005, COM/2005/0122 final. Adde : décision no 1904/2006/CE du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2006 établissant, pour la période 2007-2013, le programme “l’Europe pour les citoyens” visant à promouvoir la citoyenneté européenne active ; Alain LAMASSOURE, « Le citoyen et l’application du droit communautaire », Rapport au Président de la République 8 juin 2008.. Au sentiment d’appartenance à une communauté (à un espace) pour la première – ce qui est, on l’a vu, l’une des sens possibles du terme culture57Supra no 4. – répond pour la seconde celui d’appartenance à une union – notion beaucoup plus large moins fondatrice du concept de commun. Au respect de la diversité des traditions juridiques et judiciaires des États membres pour l’une, répond pour l’autre le respect de la diversité des cultures et traditions des peuples d’Europe : les traditions et les protagonistes concernés ne sont donc pas les mêmes. Il ne semble dès lors pas possible de considérer que la culture judiciaire européenne prend véritablement sens au niveau du citoyen. C’est prioritairement dans la communauté des professionnels de la justice, des praticiens – et plus particulièrement des juges et magistrats, même si la participation des avocats est régulièrement rappelée – que s’incarne la culture judiciaire européenne.
Au demeurant, cette citoyenneté européenne est reliée par les textes européens à une autre culture lorsque ceux-ci affirment que « dans le domaine des droits fondamentaux et de la citoyenneté, l’objectif est de faire émerger une véritable culture des droits fondamentaux parmi tous les peuples d’Europe »58COM/2005/0122 final, préc.. La référence à une culture des droits fondamentaux tend même, dans certains textes récents sur l’espace judiciaire européen, à s’ajouter59Recommandation du Parlement européen à l’intention du Conseil sur la qualité de la justice pénale et l’harmonisation de la législation pénale dans les États membres du 1er décembre 2005, P6 TA (2005) 0030, point L. : « considérant le rôle clef de la formation dans le développement d’une culture judiciaire commune, ainsi que d’une culture des droits fondamentaux au sein de l’Union européenne, notamment à travers l’action du Réseau européen de formation judiciaire ». voire se substituer60Recommandation du Parlement européen à l’intention du Conseil et du Conseil européen sur le futur espace de liberté, de sécurité et de justice ainsi que sur les conditions pour en renforcer la légitimité et l’efficacité du 14 octobre 2004, P6 TA (2004) 022 : « promouvoir, afin de faciliter la confiance réciproque, une culture des droits fondamentaux au sein de l’Union en favorisant le dialogue permanent des plus hautes juridictions, des administrations publiques et des praticiens du droit, ainsi que le développement de réseaux d’échange d’informations et de consultation entre juges, administrations et chercheurs ». à celle à une culture judiciaire commune, ce qui ne saurait surprendre au regard des valeurs fondamentales, premier pilier de la confiance.

Cette conjonction s’explique très simplement par le fait que « la création d’une Europe des citoyens passe aussi par la mise en place d’un espace européen de justice, fondé sur le principe de la reconnaissance mutuelle et l’instauration d’un climat de confiance »61COM/2005/0122 final, préc. ou réciproquement qu’ « il n’est pas possible de dissocier la mise en œuvre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice d’une politique de protection et de promotion des droits fondamentaux et de citoyenneté au sein de l’Union »62P6 TA (2004) 022, préc..
– La hauteur des piliers : exigence minimale ou exigence la plus élevée ?
Qu’il s’agisse des exigences du procès équitable du côté des traditions juridiques, de l’accès à la justice du côté de l’évaluation des systèmes judiciaires ou de la formation des acteurs, quelle va être la hauteur des piliers ?

B.  Les logiques de construction (structuration)

16. Une action en faveur de l’amélioration de la connaissance des traditions juridiques et systèmes judiciaires des États membres et partant de la compréhension mutuelle a été entreprise suivant des logiques diverses (1) ce qui est à même de poser un problème de cohérence (2).

1. La diversité des logiques de connaissance et de compréhension mutuelle

17.  Logique bilatérale opérationnelle. La première, la logique bilatérale opérationnelle est celle des magistrats de liaison dont le cadre d’échange, sorte de « bonne pratique européenne »63Antoine MEGIE, préc., a été institué pour la coopération judiciaire à partir d’une expérience entre la France, l’Italie et les Pays-Bas (sur le modèle des officiers de liaison de la coopération policière) par l’action commune du 22 avril 199664Action commune du 22 avril 1996 adoptée par le Conseil sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne, concernant un cadre d’échange de magistrats de liaison visant à l’amélioration de la coopération judiciaire entre les États membres de l’Union européenne (96/277/JAI), JO UE L. 105/1 du 27 avril 1996.. Œuvrant, à la connaissance mutuelle des systèmes respectifs65Article 2-2., « ce sont des intermédiaires précieux de la compréhension réciproque des systèmes judiciaires, de la circulation des actes et décisions de justice et de leur exécution »66Guy CANIVET « Les réseaux de juges au sein de l’Union européenne : raisons, nécessités et réalisations », LPA 5 octobre 2004, p. 45.. Ils constituent pour reprendre les termes de plusieurs d’entre eux de véritables «adaptateurs juridiques »67Bernard RABATEL, « Le magistrat de liaison “adaptateur juridique” », L’observateur de Bruxelles, no 66, octobre 2006, p. 16. des « interfaces »68Emmanuel BARBE, « Le point sur dix années d’existence des magistrats de liaison », L’observateur de Bruxelles, no 54, décembre 2003, p. 12 ; Guy CANIVET, 3 octobre 2006, prec., au surplus « proactifs »69Samuel VUELTA-SIMON, « Le rôle du magistrat de liaison dans un pays membre de l’Union européenne : l’Espagne », RPDP 2008 p. 493., entre deux systèmes et participent à cette « entreprise de rapprochement des cultures juridiques et judiciaires différentes »70Bernard RABATEL, « Les “magistrats de liaison” : leur rôle dans la coopération judiciaire internationale et dans le domaine du droit comparé », décembre 2003..

18.  La logique multipolaire des réseaux. Sur cette première logique, s’est superposée une seconde, la logique multipolaire des réseaux, logique nouvelle plus représentative de l’appartenance à un espace71Vincent LAMANDA, « Les nouveaux modes de coopération dans l’espace judiciaire européen : libre circulation et réseaux. Propos d’accueil », Cour de cassation, cycle « droit européen » 2007, conférence finale du 17 décembre 2007..
Institutionnels ou résultant d’une initiative plus spontanée, professionnelle ou privée, s’inscrivant dans le cadre de l’Union européenne ou du Conseil de l’Europe, ces réseaux sont multiples et il ne saurait être question de les citer tous. Je m’en tiendrai à ceux qui devraient être plus particulièrement évoqués durant ce colloque.
En premier lieu, le Réseau judiciaire européen72http://www.ejn-crmjust.europa.eu., institué par l’action commune du 29 juin 199873Action commune du 29 juin 1998 adoptée par le Conseil sur la base de l’article K.3 du traité sur l’Union européenne concernant la création d’un Réseau judiciaire européen (98/428/JAI), JO CE L.191/4 7.7.98, constitue un réseau de points de contact judiciaires entre les États membres (composé, compte tenu des règles constitutionnelles, des traditions juridiques et de la structure interne de chaque État membre, des autorités centrales responsables de la coopération internationale, des autorités judiciaires ou d’autres autorités compétentes ayant des responsabilités spécifiques dans le cadre de la coopération internationale, soit en général, soit pour certaines formes graves de criminalité)74En France, ont été désignés, au niveau central, le directeur des affaires criminelles et des grâces et le chef du service des affaires européennes et internationales du ministère de la Justice et à l’échelon décentralisé, un magistrat dans chacun des parquets généraux près les cours d’appel.. Le principe du réseau judiciaire européen d’abord ainsi mis en œuvre en matière pénale a ensuite été étendu aux procédures civile et commerciale par une décision du Conseil du 28 mai 200175Décision du Conseil du 28 mai 2001 relative à la création d’un réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale (2001/470/CE). créant le Réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale76http://ec.europa.eu/civiljustice.. Du côté du Conseil de l’Europe, M. de BAYNAST qui est le président du CCPE (Comité consultatif des procureurs européens), l’un des deux organes consultatifs – avec le CCJE (celui des juges) – dont s’est récemment doté le Comité des ministres, écrivait à propos du premier avis rendu en novembre 2007 sur « Les moyens d’améliorer la coopération internationale dans le domaine pénal »77CCPE (2007)25 du 30 novembre 2007. que celui-ci «développe à destination d’un nombre de pays beaucoup plus important que celui de l’Union européenne, le concept de “culture judiciaire commune” en application entre les pays membres de l’Union »78Olivier de BAYNAST, « Le Conseil consultatif des procureurs européens », RPDP 2008, p. 265..

On conçoit qu’un problème de cohérence soit à même de se poser, surtout si l’on observe que ces réseaux sont encore en plein développement avec par exemple la perspective d’institution d’un réseau de coopération législative des ministères de la justice des États membres de l’Union européenne qui viendrait également s’inscrire dans le champ du quadrilatère connaissance / compréhension / confiance / reconnaissance mutuelle79Résolution du Conseil et des représentants des gouvernements des États membres, 28 novembre 2008 : « 5. En outre, l’Union européenne s’est fixé pour objectif d’offrir à ses citoyens un espace de justice, de liberté et de sécurité. La construction de cet espace serait facilitée par une meilleure connaissance mutuelle des systèmes judiciaires et juridiques des États membres et de leur législation, de même que par un échange d’informations sur les projets de réforme législative. 6. La création d’un réseau de coopération législative des ministères de la justice des États membres de l’Union européenne contribuerait à la réalisation de cet objectif, ainsi qu’à la promotion d’une meilleure compréhension de la législation des autres États membres, qui est à son tour l’un des moyens permettant de renforcer la confiance mutuelle et de favoriser l’application du principe de la reconnaissance mutuelle. Enfin, le réseau permettrait aussi aux ministères de la justice de réaliser conjointement des études de droit comparé sur des questions d’actualité législative ou juridique, … »., ou la signature le 6 février prochain à Paris de la convention fondatrice du Réseau des procureurs généraux des Cours suprêmes de l’Union européenne80Discours de M. Jean-Louis NADAL, Procureur général près la Cour de cassation, Audience solennelle de début d’année de la Cour de cassation Paris, 7 janvier 2009..

2. La recherche d’une cohérence d’ensemble

19.  Cohérence de l’action. L’on songe d’abord à la recherche d’une cohérence de l’action. Elle semble faire l’objet à l’heure actuelle d’une certaine prise de conscience et est entreprise sous diverses formes : complémentarité, interaction, synergies, regroupement.

20.  Cohérence au sein de l’Union européenne. On peut en prendre plusieurs illustrations d’abord au sein de l’Union européenne. Ainsi, la décision du 16 décembre 2008 sur le réseau judiciaire européen (en matière pénale) prévoit l’association des magistrats de liaison (et non plus sa simple possibilité) et leur accès aux télécommunications sécurisées81Article 2-6.. Elle ajoute aux fonctions des points de contact la participation à l’organisation des sessions de formation sur la coopération judiciaire à l’intention des autorités compétentes de leur État membre, le cas échéant en coopération avec le Réseau européen judiciaire de formation qu’ils doivent promouvoir82Article 4-3..
Dans le même sens, « afin d’améliorer la confiance mutuelle entre les juges dans l’Union européenne et les synergies », la proposition de décision relative au réseau européen en matière civile et commerciale prévoit d’insérer un nouvel article relatif à ses relations suivies avec les autres réseaux « en particulier les réseaux d’institutions judiciaires et de juges »83§ 15. : « Le réseau entretient des relations et procède à des échanges d’expériences et de meilleures pratiques avec les autres réseaux européens partageant ses objectifs, comme le réseau européen de formation judiciaire en vue de promouvoir, le cas échéant et sans préjudice des pratiques nationales, des sessions de formation relatives à la coopération judiciaire en matière civile et commerciale au profit des autorités judiciaires locales des États membres. »84Article 12 bis-1.. Et des représentants de la Cour de Justice seraient invités à assister aux réunions du réseau85Annexe : déclaration commune sur la Cour de justice des communautés européennes..
En 2008, le Forum de discussion sur politiques et les pratiques de l’UE en matière de justice a été institué comme un mécanisme permanent de consultation des acteurs dont l’une des deux grandes sphères d’action est de favoriser la confiance réciproque entre les systèmes judiciaires de l’UE en améliorant la compréhension mutuelle86COM (2008) 0038 final §3. et §20.. Eurojust et les réseaux judiciaires européens (en matière pénale, civile et commerciale) devront être représentés ainsi que les réseaux professionnels européens concernés actifs dans le domaine de la justice au niveau européen longuement énumérés au titre de sa composition87COM (2008) 0038 final §3. et §34..

21.  Cohérence entre Union européenne et Conseil de l’Europe. Le second objectif assigné au forum est de travailler efficacement avec le Conseil de l’Europe. La CEPEJ étant « l’instance la plus à même de développer la confiance mutuelle au sein de l’UE », « il est essentiel pour l’UE de maintenir une cohérence avec les activités du Conseil de l’Europe tout en évitant de recouper les travaux de la CEPEJ »88COM (2008) 0038 final §22.. Dès lors « la Commission invitera un représentant du Conseil de l’Europe, de préférence un membre de la CEPEJ, à participer au Conseil de l’Europe, de manière à ce que chacun suive les travaux de l’autre et à collaborer pour éviter les doubles emplois et favoriser la complémentarité. »89COM (2008) 0038 final §33..
C’est cette fois la cohérence entre l’Union européenne et le Conseil de l’Europe dans l’émergence d’une (seule et même) culture judiciaire européenne commune qui est affirmée. Cette recherche d’une cohérence dans l’action rejoindrait alors la recherche d’une cohérence plus substantielle au regard du premier pilier de la confiance précédemment évoquée.
Au terme de la construction, à même d’aboutir à un sentiment d’appartenance commune, il n’y aurait pas donc pas un trop grand risque de dualité. De cette communauté d’appartenance, peut-on en mesurer la taille ?

III. La mesure de la taille

22.  Une taille variable. Il faut alors constater que la taille de départ de cette communauté de juges animés d’une culture judiciaire européenne commune (A) est susceptible, non sans risque, de se trouver diversement élargie (B).

A.  La taille de départ

23.  Entre culture du club et culture de masse. S’agissant de déterminer la taille du premier cercle, celui d’une communauté de juges, on peut hésiter entre deux extrêmes : la culture du club (la taille 36) d’un côté et la culture de masse (le 44) de l’autre, entre lesquelles se situe une voie et une taille moyennes (le 40, étant précisé – toutes les femmes le savent – qu’un 40 français correspond à un 38 européen (et un 44 italien), certains aspects semblent pour l’instant irréductibles).
La culture du club, serait celle qui concernerait un nombre limité d’initiés particulièrement concernés par cette culture judiciaire européenne commune de par leurs fonctions.
On songe évidemment aux magistrats des deux cours européennes, aux magistrats de liaison et points de contact des différents réseaux dans les États-membres.
Chaque catégorie mériterait à cet égard de faire l’objet d’une recherche particulière. On se bornera ici à relever que l’article 2-5 de la récente décision du Conseil du 16 décembre 2008 concernant le réseau judiciaire européen (en matière pénale qui abroge l’action commune 98/428/JAI du 29 juin 1998) indique bien en ce sens que :

« Chaque État membre veille à ce que ses points de contact remplissent des fonctions en relation avec la coopération judiciaire en matière pénale et aient une connaissance suffisante d’une langue de l’Union européenne autre que la langue nationale de l’État membre concerné, compte tenu du fait qu’ils doivent pouvoir communiquer avec les points de contact des autres États membres. ».

S’il ne peut certes en aller ainsi au regard du rôle de diffusion et de promotion de la culture judiciaire européenne commune assuré par les deux dernières catégories – magistrats de liaison et points de contact90V. article 4 de la décision du Conseil du 18 décembre 2008 concernant le réseau judiciaire européen sur les « fonctions des points de contact ». –, on peut néanmoins penser qu’il y a là un noyau dur au sein de la communauté.
La culture de masse, à l’opposé, signifierait que la culture judiciaire européenne est partagée par l’ensemble des magistrats et juges relevant dans les États membres de l’espace judiciaire européen. C’est certainement un objectif à terme, mais pas une réalité ni peut-être même un besoin pour l’instant.
Entre les deux, s’ouvre la voie moyenne d’une communauté certes difficilement cernable mais plus restreinte puisque dessinée par l’extension du champ de la reconnaissance mutuelle mais aussi la limitation en matière civile aux litiges dits transfrontière ou transfrontaliers.
Or, cette taille de départ ainsi approximativement déterminée est susceptible d’un double élargissement.

B.  L’élargissement de la taille

24.  Élargissement de l’Union. Le premier élargissement auquel l’on songe est naturellement celui de l’Union européenne elle-même. Il est à même de provoquer une augmentation quantitative de la communauté concernée mais présente surtout le risque, si ce n’est d’une dilution, du moins d’une perte de cohésion au moins provisoire de la communauté élargie du fait à la fois de l’introduction de la culture judiciaire nationale d’un nouvel État membre et de la moindre substance chez les nouveaux venus de la culture commune qui en constitue le ciment.
Un apprentissage préalable est donc instauré par le biais de mécanismes formels d’évaluation dans des domaines prioritaires en matière de culture judiciaire prévus par le traité d’adhésion, comme plus informels tels le statut préalable d’observateur au sein des différents réseaux91V. notamment : §34 in fine de Communication de la Commission du 4 février 2008 relative à la création d’un forum de discussion sur les politiques et les pratiques de l’UE en matière de justice COM/2008/0038 final « Des experts judiciaires provenant des pays candidats seront inclus » ; l’insertion d’un article 11 bis « Participation d’observateurs aux réunions du réseau » du projet de décision no …/2009/CE du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision 2001/470/CE du Conseil relative à la création d’un réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale..
En l’état du débat qui a fait rage quant à l’adhésion de la Turquie y compris dans la communauté de magistrats elle même92La lettre des magistrats de l’Union européenne, no 6, novembre 2004., et de la pause actuelle dans l’élargissement dans l’Union, c’est un autre élargissement qu’il faut évoquer : celui de cette communauté de professionnels de la justice.

25.  Élargissement de la communauté. Alors que jusqu’ici, la culture judiciaire européenne a été avant tout comprise comme celle d’une communauté plus particulièrement de magistrats et de juges, des signes d’ouverture à destination d’autres catégories de praticiens se sont multipliés récemment.

Outre leur inclusion lors de la création en 2008 du forum de discussion déjà cité sur les politiques et pratiques de l’UE en matière de justice93V. § 34., on peut noter en ce sens que la proposition de décision du Parlement européen et du Conseil modifiant la décision 2001/470/CE du Conseil relative à la création d’un réseau judiciaire européen en matière civile et commerciale prévoit que « les professions juridiques, en particulier les juristes, les notaires, les huissiers de justice, les avocats et les avoués, qui concourent directement à l’application des instruments communautaires et internationaux relatifs à la justice civile peuvent devenir membres du réseau par l’intermédiaire de leurs organisations nationales afin de contribuer, avec les points de contacts, à certaines missions et activités spécifiques du réseau »94§ 12 du préambule. et modifie en conséquence à la fois la composition du réseau95Article 1er 1) du projet de décision modifiant l’article 2 de la décision du Conseil du 28 mai 2001 ajoutant à cette composition dans le §1 « e) des ordres professionnels représentant au plan national dans les États membres les professionnels du droit concourant directement à l’application des actes communautaires et des instruments internationaux relatifs à la coopération judiciaire en matière civile et commerciale. » et insérant un §4 bis « Les États membres déterminent les ordres professionnels visés au paragraphe 1, point e). À cette fin, ils obtiennent l’accord des ordres professionnels concernés sur leur participation au réseau. Lorsqu’il existe dans un État membre plusieurs ordres professionnels représentant une profession juridique, il appartient à cet État membre d’assurer une représentation appropriée de la profession concernée auprès du réseau. ». et les fonctions des points de contact96Article 1er 4) du projet de décision modifiant l’article 2 de la décision du Conseil du 28 mai 2001 insérant un article 5 bis « Ordres professionnels 1. En vue de contribuer à l’accomplissement des missions prévues à l’article 3, les points de contact établissent des contacts appropriés avec les ordres professionnels mentionnés à l’article 2, paragraphe 1, point e), selon des modalités décidées par chaque État membre. 2. En particulier, les contacts visés au paragraphe 1 peuvent comprendre les activités suivantes : a) des échanges d’expériences et d’informations en ce qui concerne l’application effective et concrète des instruments communautaires ou internationaux ; b) la collaboration à la préparation et à la mise à jour des fiches d’information mentionnées à l’article 15 ; c) la participation aux réunions pertinentes des ordres professionnels mentionnés à l’article 2, paragraphe 1, point e). 3. Les ordres professionnels ne demandent pas d’informations aux points de contact concernant les cas individuels. »..
Nul doute que ces différents autres professionnels du droit et de la justice aient, à l’instar des magistrats et juges, vocation à développer une culture judiciaire européenne, ni même qu’il puisse s’agir d’une question d’équilibre centrale pour la culture judiciaire.
Mais :
– d’une part, leur culture judiciaire est peut-être plus sectorisée (notamment pour les huissiers ou les notaires),
– et d’autre part, même si elles forcément beaucoup à voir ensemble, au sein de la culture judiciaire la culture des uns n’est pas la culture des autres (la « culture de la défense » de l’avocat n’est pas celle du parquetier).
Dès lors, leur rattachement à la communauté initiale de juges, s’il est certainement source d’enrichissement, pourrait également signifier une perte d’homogénéité et de cohésion.

Conclusion

Au-delà même des praticiens, le Forum sur les politiques et les pratiques de l’UE en matière de justice entend encore associer les universitaires97§ 29. et leurs réseaux notamment ECLAN ici représenté98§ 35., soit la culture académique.

Au sein du forum miniature que constitue finalement ce colloque, celle-ci nous aidera certainement aussi à tenter de répondre à cette difficile question : « qu’est-ce que la culture judiciaire européenne ? ».

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