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Les normes privées internationales en matière de télécommunication : l’exemple de l’European Telecommunications Standards Institue (ETSI)

Cahiers N° 25 - RRJ - 2011-5, ETUDES DE CAS

Jean-Pierre GASNIER

Professeur associé, Centre de droit économique, Université d’Aix-Marseille

et

Laure MERLAND

Maître de conférences HDR, Centre de droit économique, Université d’Aix-Marseille

I. La légitimité des normes de l'ETSI

1.   À première vue, laisser à une personne morale de droit privé le pouvoir d’édicter des normes susceptibles de s’imposer à tous, a quelque chose de choquant. L’on s’interroge en effet sur la légitimité démocratique de ces normes. Certes, le phénomène des normes privées s’est très largement développé concernant les normes dites techniques. Les autorités publiques, à la recherche d’économies ou par souci d’efficacité, ont préféré habiliter des organismes privés, experts dans les domaines concernés, pour édicter ces normes régulatrices de nouveaux marchés. Ainsi, à une stricte légitimité démocratique, s’est substituée une légitimité reposant sur l’efficacité. Certes, il subsiste un lien avec la démocratie : non seulement, les pouvoirs publics ont habilité des personnes privées expertes à édicter des normes dans l’intérêt général, mais aussi elles assurent un contrôle – plus ou moins strict – sur ces personnes et leurs actions. En outre, elles veillent à ce que tous les opérateurs économiques du secteur concerné puissent avoir accès au processus de normalisation. La directive 98/34/CE du Parlement et du Conseil du 22 juin 1998 prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et règlementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information est en ce sens vient légitimer par le biais d’une habilitation la pratique des normes techniques internationales élaborées par des opérateurs experts habilités1JOCE L. 24 21 juillet 1998, p. 37..

2.    L’European Telecommunications Standarts Institue (ETSI) appartient à cette catégorie des organismes européens de normalisation en vertu de l’annexe 1 renvoyant à l’article 1-9 de la directive précitée. Cette association loi 1901 à but non lucratif édicte des normes internationales privées en matière de télécommunications, dans un but « d’intérêt public » conformément aux dispositions de la directive2Dir. préc., considérant n° 12.. Sur un plan institutionnel, l’ETSI tire donc sa légitimité démocratique d’une délégation de l’Union européenne, pour édicter des normes privées internationales dans le domaine des télécommunications.

3.   En outre, cette légitimité démocratique est renforcée par le fait que le processus d’élaboration des normes ainsi que celui de leur diffusion et de leur contrôle doit répondre à des garanties précisément édictées par la directive précitée ainsi que par les règles gouvernant l’application des directives dite « Nouvelle approche » issues de la communication de la Commission du 7 mai 2003 – COM 2003/240 Final.

4.    Concernant le processus d’élaboration des normes, l’ETSI est susceptible d’adopter deux types de normes : d’une part, les normes européennes édictées suite à un mandat spécial donné par la Commission, et les normes prises à l’initiative de ses membres.
Pour satisfaire aux exigences communautaires, l’ETSI a donc fait le choix d’être une association normative ouverte à tous les opérateurs économiques du secteur des technologies de l’information et de la communication, tout en se dotant d’ingénieurs et de juristes aptes à arbitrer les différents. Elle se veut non seulement un lieu de création des normes, mais aussi un lieu de savoir, d’échanges d’informations et donc un lieu propice à stimuler la concurrence : « une veille technologique active, coûteuse, certes, mais payante »3F. VIOLET, « Retour sur les embuscades tendues par les patent trolls (Commentaire de la décision Rambus de la Commission européenne du 9 décembre 2009) », Propr. ind., n° 6, juin 2010, étude 11, n° 8..

5.    Pour assurer pleinement sa mission, et éviter qu’elle ne soit le lieu de mise en place de pratiques anticoncurrentielles ou de domination, l’ETSI présente des garanties d’indépendance par rapport au marché européen des télécommunications et aux entreprises adhérentes.
Ainsi, dans son processus d’adhésion, l’ETSI est une association largement ouverte4Cotisation proportionnelle à la taille (chiffre d’affaires) de l’entreprise adhérente.. En effet, l’ETSI est une association ouverte à tous les opérateurs économiques du marché, sans discrimination de taille ou de nationalité (soit actuellement 750 membres qui viennent du monde entier). L’une des vertus de ce principe de non discrimination à l’entrée est de permettre des échanges d’expérience et des confrontations des plus fécondes qui favorisent l’élaboration de normes techniques efficaces et mais surtout reconnues et acceptées des opérateurs du marchés et les autorités publiques.
En outre, les opérateurs, pour la plupart concurrents et intéressés par l’élaboration de ces normes techniques, puisqu’ils participent le plus souvent aux mêmes réunions, sont conduits à des comportements autorégulés, qui visent notamment à éviter la domination d’un membre ou d’un groupe de membres sur les autres.
Enfin, l’ETSI s’interdit de participer aux négociations entre ses adhérents, notamment celles concernant le montant des redevances. Elle conserve ainsi une position neutre sur le marché des télécommunications, tout en remplissant sa mission de mise en relation et de cadre de coopération pour les entreprises du secteur.

6.    Néanmoins, parce que l’ETSI a d’abord pour objectif la coordination et la régulation du marché européen, sa structure reflète la nécessité d’un équilibre entre les entreprises dudit marché. Ainsi, au sein de l’ETSI, coexistent trois catégories de membres : les entreprises ressortissantes des pays membres de la Conférence européenne des postes et télécommunications (CEPT), et qui sont membres à part entière, les entreprises ressortissantes de pays tiers, ayant le statut de membres associés et les observateurs, constitués essentiellement par la Commission européenne et par des Universités. Enfin, les statuts de l’ETSI prévoient que toute entité y ayant un intérêt peut adhérer à l’association. Seuls les membres et membres associés sont conviés à participer aux réunions des comités techniques pour l’élaboration des normes. Il existe plusieurs comités au sein de l’association portant soit sur des
technologies (GSM, téléphonie sans fil…), soit sur des marchés (communication par satellite, smart greeds…).
On notera toutefois l’absence des associations de consommateurs. Celles-ci permettraient en effet non seulement de veiller à ce que les normes édictées respectent le droit de la concurrence et donc, in fine, assurent une protection optimale des droits du consommateur, mais aussi à ce que ces normes soient édictées dans l’intérêt du public, et non dans le seul intérêt bien compris des professionnels du secteur, en faisant respecter par exemple le principe de précaution ou des impératifs sanitaires ou écologiques.

7.    Enfin, l’ETSI s’est dotée d’une politique en matière de droits de propriété intellectuelle, directement en relation avec la nécessité d’adopter une concurrence loyale.
Il s’agit d’une part, de l’obligation faite aux membres de déclarer leurs droits de propriété intellectuelle qui sont essentiels à l’application d’une norme de façon à éviter les situations de patent ambush ou de patent trolls5F. VIOLET, « Retour sur les embuscades tendues par les patent trolls (Commentaire de la décision Rambus de la Commission européenne du 9 décembre 2009) », Propr. ind., n° 6, juin 2010, étude 11 ; C. LE STANC, « Les malfaisants lutins de la forêt des brevets : à propos de patent trolls », Propr. ind., 2008, étude 3 ; « Drôle de troll », Propr. ind., 2010, repère 2..
L’affaire Rambus est à cet égard emblématique. En l’espèce, un organisme de normalisation américain, Joint Electron Device Engineering coucil (JEDEC) avait édicté une norme portant sur les mémoires RAM dynamiques. La société Rambus, ayant participé à l’élaboration de la norme, avait tu la propriété qu’elle avait sur un brevet essentiel à la mise en œuvre de la norme. Une fois la norme édictée, elle n’a pas hésité à réclamer aux acteurs du marché concerné des redevances fort élevées. La société Rambus a été condamnée pour abus de position dominante par la Federal Trade Commission. Cependant, la cour d’appel a infirmé cette décision, au motif qu’aucune loi américaine n’a été violée. La Commission européenne a poursuivi à son tour la société Rambus sur le fondement de l’article 102 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne. Finalement, la société Rambus propose de réduire le montant de ses redevances, proposition acceptée par la Commission dans sa décision du 9 décembre 20096Préc. Sur les réticences de la CJCE, devenue la CJUE, à retenir l’existence d’un patent troll : cf. Règl. CE n° 1/2003, 16 déc. 2002 relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du Traité : trois conditions cumulatives doivent être réunies : le refus d’octroyer une licence à des conditions raisonnables, équitables et non discriminatoires doit faire obstacle à l’apparition d’un produit ou d’un service nouveau que le titulaire du droit de propriété industrielle n’offre pas ; le refus doit êtredépourvu de toute justification ; le refus doit être de nature à exclure toute concurrence sur un marché dérivé..

8.    Le règlement ETSI, comme au demeurant, d’autres organismes de normalisation (exemples CEN, CENELEC) prévoit des sanctions de ce type de comportement déloyal comme par exemple la modification de la norme technique bloquée par un droit de propriété intellectuelle ou l’exclusion du membre indélicat.

9.    Autre mesure importante du règlement, pour éviter que les droits de propriétés intellectuelles essentiels déclarés ne puissent faire obstacle à la mise en œuvre des normes techniques, les membres de l’ETSI doivent s’engager à concéder des licences à des conditions loyales, raisonnables et non discriminatoires (dites licence FRAND : fair, reasonnable, and non discriminatory). Cet aspect du règlement de l’ETSI rejoint les exigences des autorités de l’Union européenne et françaises. En effet, tant la Commission européenne que la Haute autorité de la concurrence, et avant elle, le Conseil de la concurrence, considèrent que celui qui détient un brevet essentiel pour l’application d’une norme doit proposer des licences à des conditions raisonnables, équitables et non discriminatoires7Comm. CE, déc. N° 2002/165/CE, 3 juill. 2001 ; Cons. Conc., communiqué de procédure, 11 mars 2005.. Dans l’hypothèse où un membre refuserait de concéder une licence FRAND, celui-ci devrait impérativement motiver son refus, tandis que l’ETSI devrait envisager la possibilité de recourir à une technologie alternative disponible. En cas de blocage, l’élaboration de la norme est suspendue.

10.    En revanche, lorsque l’existence d’un droit de propriété intellectuelle essentiel est révélée après publication de la norme, si le membre titulaire, après avoir été invité à concéder une licence FRAND persiste dans son refus, l’assemblée générale de l’association est informée et décide souverainement s’il y a lieu de modifier la norme. La situation peut être portée à la connaissance de la Commission européenne pour avis. Cette situation s’est déjà présentée, dans une affaire concernant la technologie Tetrapol défendue par Matra communications. En l’espèce, l’ETSI s’est opposée à l’utilisation de cette technologie dans une norme. Une autre affaire, cette fois judiciaire, est en cours.

11.    Les normes techniques s’appuient sur des connaissances scientifiques et techniques, dont l’analyse économique du droit nous enseigne qu’elles sont par essence cumulatives, c’est-à-dire qu’elles s’élaborent à partir de connaissances déjà acquises8E. MACKAAY et S. ROUSSEAU, Analyse économique du droit : éd. Dalloz, les éditions Thémis, 2008, n° 990, p. 268.. C’est bien toute la question à laquelle se trouve confrontée l’ETSI dans l’élaboration de la norme, au regard du respect des droits de propriété intellectuelle existants.
Mais une autre question se pose, qui est celle de la protection de la norme elle-même.

II. La protection des normes de l’ETSI

12.     Il ne saurait être contesté que les normes techniques élaborées par des personnes privées comme l’ETSI s’inscrivent dans le cadre néolibéral de la « Nouvelle approche » mise en place par l’Union Européenne9La nouvelle approche a été mise en place suite à une résolution du Conseil du 7 mai 1985. Cette nouvelle approche prévoit trois principes essentiels : d’une part, les directives d’harmonisation doivent uniquement édicter les exigences essentielles auxquels les produits doivent se conformer pour pouvoir circuler librement, d’autre part, ces normes essentielles doivent être exprimées dans des spécifications techniques contenues dans des « normes harmonisées » et enfin, chaque fabricant est libre d’appliquer les normes harmonisées ou tout autre norme pour satisfaire aux exigences, étant précisé que ce dernier est libre des choisir parmi les différentes procédures permettant d’évaluer la conformité prévues par la directive applicable. qui, comme nous l’avons exposé plus haut, instaure un mécanisme de renvoi de la norme publique à la norme privée et dans lequel les opérateurs privés jouent un rôle essentiel. Il convient de relever au passage que l’instauration de ce mécanisme horizontal de production de la norme10F. OST et M. VAN DE KERCHOVE, De la pyramide au réseau ? Pour une théorie dialectique du droit, Bruxelles, Publications des Facultés Universitaires de Saint-Louis, 2002., par décision de l’UE, confère aux normes techniques un véritable statut juridique11L. BOY, « Normes techniques et normes juridiques » : Cahiers du conseil constitutionnel n° 21, janvier 2007 (dossier normativité), consultable sur la site www.conseil-constitutionnel.fr, avr. 2012.. Même si le système de production des normes techniques ainsi mis en place demeure in fine sous le contrôle des pouvoirs publics, il n’en demeure pas moins que ces normes se trouvent en concurrence avec d’autres normes techniques, élaborées par d’autres organismes privés dans le même secteur d’activité, mais sous le contrôle d’une autorité publique relevant d’une souveraineté autre. En l’occurrence, les normes techniques de l’ETSI sont en concurrence directe avec les normes techniques élaborées par une association américaine (National Institute of Standards and Technology, NIST). Il existe donc un marché de la norme qui justifie la volonté des organismes de normalisation d’assurer une protection juridique des normes qu’ils produisent. On ne saurait manquer de souligner le paradoxe qui existe entre d’une part, la production de la norme qui se doit d’être commune et accessible à tous, et dont l’une des finalités est de favoriser la libre circulation de marchandises au sein de l’Union et d’autre part, l’exclusivité que confère un droit de propriété intellectuelle.

13.     Cela étant, dans une simple perspective de marché, une protection de la norme serait envisageable, dans la mesure où il s’agit, notamment, de protéger un investissement souvent lourd, tant de l’organisme certificateur lui-même que de ses membres, entreprises privées ou autres, qui ont contribué à l’élaboration de la norme. L’élaboration d’une norme technique peut en effet demander des années de travail. Une protection par un droit de propriété intellectuelle présenterait dès lors l’intérêt d’éviter une utilisation non autorisée de la norme, soit par un organisme concurrent, soit par une entreprise qui ne respecterait pas les règles édictées par l’organisme de certification.

14.     Toute la question, au-delà de ce paradoxe, est alors de savoir à quelle protection ces normes pourraient accéder, ce qui revient à s’interroger sur la nature des droits qui pourraient être invoqués.

15.     L’article 9 de l’Annexe 6 des statuts intitulée ETSI intellectual property rights policy dispose que « les droits d’auteur (copyright) sur les standards, les documents et rapports relatifs aux spécifications techniques créés par ETSI, ou l’un de ses comités, appartiendront à ETSI, sous réserve des droits d’auteur de tiers dûment identifiables dans les travaux de ETSI qui font l’objet d’une protection par le droit d’auteur » (libre traduction). Il est clair que les droits dont ETSI se prévaut au terme de cet article ne concernent que la documentation relative aux normes et standards et en aucun cas à la technique proprement dite que ces mêmes normes fixent. Il est toutefois permis de s’interroger sur la portée de cette disposition. En effet, le droit d’auteur ne protège que les œuvres originales et exclut de la protection les œuvres à caractère technique ou fonctionnel. Récemment encore, la Cour de cassation a refusé de reconnaître une quelconque protection à un cours de droit pénal qui reprenait un raisonnement classique et des expressions courantes en la matière12Cass. crim., 18 oct. 2011, pourvoi n° 11-81404.. Il paraît donc a priori difficile d’imaginer qu’un document contenant un ensemble de spécifications techniques puisse être considéré comme original au sens du droit d’auteur et donner lieu à protection, sauf pour ce qui pourrait relever éventuellement d’une présentation particulière de cette norme : choix d’un typographie, choix de couleurs, disposition du document etc.. Cela revient à dire que seule la forme du document pourrait éventuellement être protégée, pas son contenu.

16.     Cependant l’article L.112-3 du Code de la propriété intellectuelle prévoit une protection aux « auteurs d’anthologies et de recueils d’œuvres ou de données diverses, qui par le choix et la disposition des matières, constituent des créations intellectuelles, telles que les bases de données ». Ce même article définit les bases de données comme « un recueil d’œuvres, de données ou d’autres éléments indépendants, disposés de manière systématique et méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen ». Une telle définition pourrait parfaitement être retenue pour ce qui concerne les normes et standards techniques de l’ETSI. L’association pourrait ainsi envisager de bénéficier de la protection sui generis des producteurs de bases de données. Toute la question serait néanmoins de savoir si l’ETSI peut prétendre à cette qualité dans la mesure où le producteur est défini par l’article L.341-1 du CPI comme celui qui « prend l’initiative et le risque des investissements (…) lorsque la constitution, la vérification ou la production » de la base atteste d’un « investissement financier, matériel ou humain ».
Il est ici nécessaire de s’interroger sur cette qualification. L’ETSI en tant qu’organisme de normalisation est-il à l’initiative des investissements et assume-t-il le risque des investissements ? En effet, selon l’article 2 de statuts de l’ETSI, son rôle est « de produire et de maintenir les standards techniques et autres livrables qui sont demandés par les membres » (traduction libre). On serait tenté de penser, à la lecture de cet article, que l’initiative des normes revient aux membres.
Toutefois, l’article 3.4 des statuts qui traite des pouvoirs de l’assemblée générale de l’ETSI stipule (art.3.4.12) que cette dernière a, entre autres fonctions, de définir les politiques de standardisation et de faire en sorte d’assurer l’efficacité et la qualité des accords pris, ainsi que de s’assurer de la réactivité des membres et du respect des délais. D’autres articles laissent entendre que l’initiative pourrait ne pas nécessairement revenir à l’ETSI.
Cela étant, il convient de ne pas confondre l’initiative de la mise au point d’une norme et l’initiative qui appartient à l’ETSI, de constituer, vérifier et entretenir une base de données regroupant les normes adoptées. S’il est possible de considérer qu’une norme, prise isolément, réponde à la définition d’une base de données, la question se posera, norme par norme, de savoir qui peut être, ou quels peuvent être les producteurs, dans la mesure où rien dans le texte du CPI n’exclut une copropriété sur les bases de données. En revanche, il semble que la protection puisse être accordée à l’ETSI sur la base qu’elle constitue et met à disposition des membres.

17.     Cette question relative à la protection des normes par un droit de propriété intellectuelle, outre l’aspect pratique qu’elle revêt pour les organismes concernés, nous place d’emblée au cœur de l’articulation entre le caractère public de la norme d’intérêt général et le recours, pour l’élaboration de ces normes, à des organismes privés qui, bien que n’étant pas des organismes à but lucratif, ont pour membres des entreprises privées qui cherchent, légitimement, à protéger leur(s) marché(s).
Autrement dit, cette question met en lumière les difficultés relatives à l’articulation entre les marchés et la construction d’espaces juridiques publics. En effet, la norme est un moyen d’accéder au marché en mettant les entreprises utilisatrices sur un pied d’égalité. Mais il faut, pour que le jeu ne soit pas faussé et que l’égalité soit effectivement assurée, que les opérateurs respectent les règles du jeu et ne s’affranchissent pas des conditions d’utilisation loyale desdites règles. La protection par un droit de propriété intellectuelle, dans cette perspective, serait de nature à permettre la sanction des atteintes aux droits des organismes certificateurs, du fait du non-respect des conditions d’utilisation de la norme. Le droit de la propriété intellectuelle, viendrait ainsi concourir, avec le droit de la concurrence, à garantir le respect des objectifs de politique publique économique adoptés par l’UE.

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