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Alain LEVASSEUR

Professeur, Louisiana State University, Law Center (Bâton-Rouge)

Introduction

« Lorsqu’on visite les Américains et qu’on étudie leurs lois, on voit que l’autorité qu’ils ont donnée aux légistes, et l’influence qu’ils leur ont laissé prendre dans le gouvernement, forment aujourd’hui la plus puissante barrière contre les écarts de la démocratie… Le légiste appartient au peuple par son intérêt et par sa naissance, et à l’aristocratie par ses habitudes et par ses goûts ; il est comme la liaison naturelle entre ces deux choses, comme l’anneau qui les unit… Les légistes forment la classe politique supérieure et la portion la plus intellectuelle de la société… L’aristocratie américaine est au banc des avocats et sur le siège des juges… Les légistes forment,aux États-Unis, une puissance qu’on redoute peu, qu’on aperçoit à peine, qui n’a point de bannière à elle… qui se laisse aller sans résistance à tous les mouvements du corps social… »1Alexis de Tocqueville, De La Démocratie en Amérique, Tome Premier, Chapitre VIII, « De ce qui Tempère aux États-Unis la Tyrannie de la Majorité », Éditions M-Th.Génin, 1951, Paris..
Vu l’image négative et critique qui est celle, aujourd’hui aux États-Unis, de ces « légistes » de la première moitié du XIXe siècle de Tocqueville, il est évident que cette aura d’aristocratie de la profession qu’exerce les « lawyers » a été profondément érodée et ternie. Si, d’un côté, le respect craintif et forcé et, d’un autre côté, l’animosité ouverte à l’égard des lawyers sont évidents, cela est peut-être dû à l’extrême complexité du droit américain et, surtout, à la nature contradictoire de la procédure. Ce type de procédure exige des lawyers des connaissances extrêmement précises de la technicité des règles de procédure et une habileté extrême dans leur maniement… Si Alexis de Tocqueville a pu écrire en termes élogieux sur la profession des « légistes », c’est très vraisemblablement parce qu’à son époque la profession de légiste présentait des caractères qu’elle ne manifeste plus aujourd’hui.
Là où Tocqueville parlait d’une profession de « légistes », il faut parler aujourd’hui d’une multiplicité de professions juridiques, les unes chargées d’articuler le droit à la recherche d’une même justice pour tous, et les autres chargées d’administrer cette justice dans les conflits qui relèvent de leur compétence.

SECTION 1 - LES PROFESSIONS JURIDIQUES ET L’ARTICULATION DU DROIT

Aujourd’hui toute personne qui aspire à devenir un « lawyer » reçoit sa formation dans une Faculté de droit2La très grande majorité des Facultés de droit sont parties intégrantes d’Universités, d’états ou privées, et sont « accréditées » par AALS et ABA. Certaines « law schools » ou Facultés de droit ne sont pas accréditées ; leurs étudiants peuvent néanmoins se présenter à l’examen du barreau de l’état de résidence de l’étudiant. et se soumettre aux enseignements de ses professeurs. L’ordre des choses suggère donc de se pencher d’abord sur le statut des professeurs de droit avant d’examiner ce produit des études de droit qu’est le « lawyer ». À ces deux principales professions, il faudra ajouter des professions que nous qualifierons de périphériques parce qu’elles gravitent autour des deux principales professions.

I. Les principales professions juridiques

   A. Les professeurs de droit

Il n’existe pas, aux États-Unis, de programme de formation particulière pour les postulants à un poste de professeur dans une Faculté de droit. Il n’existe pas non plus un standard unique de recrutement, sauf l’exigence que le candidat ait le diplôme de base, celui de Juris Doctor ou JD. Certains postulants ont un diplôme d’études supérieures, un PhD ou un SJD. Très recherchés sont les postulants qui, au terme de leurs trois années de droit et après avoir été membres de la Law Review de leur Faculté (School of Law), ont été « law clerk », assistant d’un juge. La préséance est donnée aux assistants des juges fédéraux, la Cour Suprême en tout premier rang, les cours fédérales d’appel au second rang et les cours fédérales de district en troisième lieu. À défaut, avoir été « law clerk » auprès d’une cour suprême d’un état pourra être une bonne référence. Une alternative à un poste dans une cour peut être d’avoir été dans la pratique, dans un grand cabinet de préférence, pendant quelques années et d’avoir acquis une bonne réputation dans un domaine particulier du droit comme la fiscalité, l’environnement… Avoir écrit un article ou deux et les avoir publiés dans de bonnes revues de droit peut donner à un postulant un avantage sur d’autres.
Une fois recruté, après des négociations avec le Doyen sur les conditions matérielles et financières que l’Université peut lui offrir, le candidat devient, en général, « assistant professor of law ». Le second échelon est celui d’ « associate professor » et le troisième celui de « (full) professor ». Pour être promu d’un échelon à l’autre et, surtout, pour obtenir la « tenure » [titularisation] il faut avoir été jugé bon enseignant par ses collègues et les étudiants, et il faut avoir publié deux ou trois articles, ou un livre, qui sont évalués eux aussi par d’autres enseignants dont la majorité pourra appartenir à des Facultés autres que celle du candidat à une promotion. En plus de devoir participer à un ou des comités au sein de sa Faculté, le professeur donne, en général, deux cours par semestre, il fait de la recherche et il publie [ou périt !]. Nombreux sont les professeurs qui, outre leurs obligations professorales, donnent des consultations ou sont associés à des cabinets d’avocats ou à des organismes gouvernementaux.

   B. Le lawyer et son statut

Un grand nombre des « pères fondateurs » de la Constitution américaine du 17 septembre 1787 était des « juristes » ou « lawyers » qui avaient appris le droit ou « read law » auprès de leurs anciens, dans des cabinets de praticiens. Aujourd’hui, pour devenir « attorney at law », « lawyer », c’est-à-dire avocat en fait, il faut remplir des conditions préalables qui relèvent et de la formation professionnelle du candidat au barreau et de son statut juridique. Une fois en droit de porter le titre officiel d’« Attorney at Law » ou le titre commun de « lawyer », ce dernier sera soumis à des règles d’exercice de la profession.

1 : les conditions de formation professionnelle sont au nombre de deux. Il faut que le candidat à l’examen du barreau ait un diplôme de base qui est, en général, le JD (Juris Doctor) délivré par une Faculté de droit accréditée par l’ABA (American Bar Association)3Sur la formation des étudiants en droit voir le rapport de Mme Vivian Grosswald Curran.Tous les états n’exigent pas le JD. Jusqu’en 2009, l’état de Louisiane permettait aux étrangers titulaires du LL.M, un diplôme obtenu au terme d’une année d’études supérieures de droit dans une des Facultés de droit de Louisiane, à se présenter au barreau local. À la suite de problèmes, souvent d’éthique et de connaissance de la langue anglaise, rencontrés par ces candidats étrangers, la Cour Suprême de Louisiane exige maintenant de tout candidat qu’il ait un JD. L’accès au barreau de l’état de New York est encore ouvert aux candidats détenteurs d’un LL.M.. En outre, et en règle générale, la Cour Suprême d’un état exerce un droit de regard sur l’organisation par le barreau local de l’examen du barreau et requiert que tout candidat au barreau soit soumis à un contrôle scrupuleux de sa personne et de sa personnalité4La Cour Suprême de l’état est juge en dernier ressort des violations par un lawyer du code de déontologie ; d’où les conditions morales, psychologiques… que la cour suprême exige des candidats..

2 : D’autres conditions relèvent du statut juridique du candidat au barreau. La question s’est posée de savoir si seuls les citoyens de nationalité américaine étaient en droit de devenir membres d’un barreau. Dans un arrêt de 1973 la Cour Suprême déclarait qu’il serait contraire au 14e Amendement à la Constitution d’exclure une personne de l’exercice de la profession d’avocat au motif qu’elle ne serait pas citoyenne des États-Unis5Application of Griffiths, 413 U.S.717, 93 S.Ct.2348 (1973). Ultérieurement, en 1985 et 19886Supreme Court of New Hampshire v. Piper, 470 U.S. 274 (1985) et Supreme Court of Virginia v. Friedman 487 U.S.59 (1988), cette même Cour Suprême jugea contraire à la Constitution fédérale l’obligation que certains états imposaient aux candidats au barreau de ces états d’être domiciliés dans l’état en question ou d’y avoir un siège principal et permanent. Une fois inscrit au barreau d’un état, le « lawyer ou attorney at law » devra s’acquitter, dans certains états mais pas tous, du paiement de ses frais d’inscription au barreau.
La détention d’un diplôme de base et l’inscription à un barreau local font que seuls les « lawyers » sont autorisés à être des « praticiens » du droit. Toute personne qui entreprendrait de « pratiquer le droit », « to practice law », sans remplir les conditions requises serait passible de sanctions très sévères car il est essentiel de protéger le public contre des personnes non qualifiées.

3 : Dans l’exercice de sa profession, le « lawyer » est soumis à des règles très strictes de déontologie. Le « Model Code of Professional Responsibility », adopté par l’ABA, a servi de modèle aux « Rules » adoptées par les barreaux des états. Ces « Rules » visent tant les rapports entre un avocat et son client que les rapports de l’avocat avec les tribunaux. C’est ainsi qu’on peut lire dans le Model Code qu’il y a neuf « Canons » qui recouvrent chacun plusieurs « Rules » ou « Règles ». Par exemple, le « Canon » 2 intitulé : « A lawyer should assist the legal profession in fulfilling its duty to make legal counsel available » contient une liste de trois règles. La règle 3, par exemple, traite de la détermination des « legal fees » ou taux des honoraires de l’avocat. Ces honoraires peuvent être fixes, à l’heure de travail (billable hour) ou « conditionnels » (contingency fees) ce qui revient à dire qu’un client ne paiera son avocat que si ce dernier gagne le procès.

    C. Le « lawyer » américain et la publicité

Dans un arrêt de 19777Bates v. State Bar of Arizona, 433 U.S.350, 1977., la Cour Suprême des États-Unis, se fondant sur le 1er Amendement à la Constitution, devait déclarer contraire à la Constitution la plupart des règlements des états qui interdisaient la publicité de leurs services par les « lawyers ». Pour la Cour Suprême, la publicité permet aux « consommateurs » d’être informés de la nature et de la variété des services que peuvent rendre les « lawyers ». Cette information bénéficie de la protection du 1er Amendement au même titre que le libre exercice de la parole et de l’expression des opinions politiques. Il en est résulté une concurrence féroce entre les cabinets d’avocats et, par là, les personnes aux revenus modestes ont pu profiter de la « guerre des honoraires ».

   D. Le « lawyer » et la pratique du droit

D’après une étude publiée en mai 2009 par l’American Bar Association (ABA), il y avait, en 2008, 1.180.386 lawyers aux États-Unis8En 2009, à titre d’exemples, il y avait 149 982 lawyers en Californie, 61 426 en Floride, 17.279 en Louisiane,153 552 dans l’état de New York….. Dans la même étude, on peut lire qu’en 2000, 73% des lawyers étaient des hommes et 27% des femmes. Entre 1991 et 2000, on observe une baisse de 10% à peu près dans le pourcentage des hommes et, au contraire, un accroissement de 7% du côté des femmes. En 2009, sur 1.180.386 avocats, 31.0% étaient des femmes donc un accroissement de 4 points en pourcentage par rapport à l’année 2000.
Ces lawyers exercent leur profession sous des formes variées dont trois seulement retiendront notre attention. Il y a d’abord les avocats qui sont en « private practice » et qui exercent leur profession soit en solitaire (en solo !), soit en cabinet. En 2000, ils représentaient 74% de tous les avocats. Il y a, en deuxième lieu, ces lawyers qui sont connus sous le titre de « in house counsel » parce qu’ils appartiennent au service juridique d’une société ou autre personne morale. En 2000, ils représentaient 8% des lawyers. En troisième lieu, il y a les lawyers qui sont au service des gouvernements et en 2000 ils représentaient 8% des lawyers93% étaient juges ; 5% à la retraite et 1% dans des organisations comme l’Aide Judiciaire,….

1. Lawyers en « private practice »

Sur les 74% de lawyers en « private practice », 48% exerçaient leur profession « seul », en « solo » ; 15% étaient dans des cabinets de 2 à 5 lawyers ;… 4% dans des cabinets de 51 à 100 lawyers, et 14% dans des « firms » de plus de 101 lawyers. Quant à la taille des cabinets ou « firms », 76% des cabinets avaient moins de 5 lawyers, 13% moins de 10 et 1% seulement plus de 101 lawyers.
Le « solo practitioner » et les cabinets de moins de 10 lawyers tendent à avoir une « general practice » c’est-à-dire qu’ils acceptent de prendre toute affaire qui « franchit le seuil de leur porte ». La raison est que, souvent, ces petits cabinets ne peuvent pas se permettre, d’un point de vue financier, de choisir leurs clients et, donc, certains types d’affaires seulement10Cela ne veut pas dire qu’au sein du cabinet ou du groupe d’avocats certains ne soient pas spécialisés dans un type d’affaires plutôt qu’un autre (immobilier, successions, responsabilité civile,…).

Récemment on a vu se créer des cabinets, petits par le nombre de leurs lawyers et très spécialisés du fait des qualifications professionnelles de ces lawyers. Ces petits cabinets sont connus sous le nom de « boutique firms » et traitent de gros dossiers de droit des affaires, de droit des sociétés… Les membres de ces « boutique firms » ont en général quitté de gros cabinets et emmené avec eux leurs clients Quant aux cabinets de 50 lawyers et plus, il ont une structure intérieure organisée autour de différentes spécialités, « corporate law », « environment », « tax », « litigation »… La structure hiérarchique de ces cabinets est composée des « partners » ou « shareholders » d’un côté, et des « associates » de l’autre11Ces cabinets sont des « professional corporations » sous forme de « limited liability companies ». En général, un « associate » peut aspirer à devenir un « partner », si tout se passe bien, après cinq à sept ans d’une expérience intense et de bon travail au sein du cabinet..
À côté de ces formes traditionnelles de cabinets, il s’est constitué d’autres formes de fourniture de services juridiques. Il s’agit des « legal clinics » qui traitent d’affaires ordinaires, celles auxquelles les petites gens sont souvent confrontées, comme des affaires de « divorce », de pension alimentaire, de baux et loyers,… Ces cliniques, du fait de leur situation géographique dans des zones et quartiers urbains très peuplés, comme les grandes surfaces commerciales, attirent une grosse clientèle vu que leurs honoraires (fees) fixes sont très inférieurs à ceux des cabinets traditionnels.

2. In House Counsel

Les services juridiques internes d’une société sont composés de « in-house counsels ». Ce sont des « lawyers » qui doivent être inscrits au registre du barreau local, donc celui de leur lieu de travail1275% des general counsels et 50% des associate general counsels avaient appartenu à des grands cabinets d’avocats, selon une étude faite en l’année 2000. Price Waterhouse Coopers Law Department Spending Survey for 2000.. Le chef du service juridique porte le titre de « general counsel » et il arrive souvent qu’il soit aussi « vice-président » de la société. Le « general counsel » est assisté d’« associate general counsels ». En règle générale, les lawyers d’un service juridique d’une société font le même genre de travail que les « corporate lawyers » d’un cabinet. De plus en plus, pour des raisons
financières, un « in-house counsel » sera aussi amené à représenter sa société devant les tribunaux au lieu que cette tâche soit confiée à un « outside counsel », c’est-àdire un cabinet « extérieur » à la société. D’après une étude faite en 200913Il y a 94 districts au total y compris les districts dans les territoires., les hommes représentaient 85% des « general counsels » et les femmes 15%. En outre, 89.4% de ces « general counsels » étaient de race blanche contre 5.3% de race noire et 2.6% d’hispaniques.

3. Les lawyers du service public

Il y a d’un côté les services publics du gouvernement fédéral et, d’un autre côté, les services publics des gouvernements des états. Au niveau du gouvernement fédéral il y a un grand nombre de « U.S. Attorneys » et des lawyers qui exercent leur profession dans des agences du gouvernement fédéral. À la tête du département fédéral de la Justice il y un « Attorney General of the United States », un peu l’équivalent d’un Ministre de la Justice qui est membre du cabinet du Président. L’Attorney General est nommé par le Président et soumis à l’« avis et au consentement » du Sénat. Cette assemblée, après des débats souvent « partisans », vote pour ratifier, ou pas, le choix fait par le Président.
L’Attorney General des États-Unis est assisté de U.S. Attorneys qui exercent leurs fonctions dans les 89 districts constitués dans les 50 états et le District de Columbia. Les devoirs d’un US district attorney sont d’assurer le respect du droit fédéral dans les affaires civiles et pénales. Au niveau de la Cour Suprême des États-Unis, le gouvernement fédéral est représenté par le Solicitor General14Le solicitor general récemment en fonction, Elena Kagan, fut nommée par le Président pour devenir Juge à la Cour Suprême des États-Unis. Après avoir comparu devant une commission sénatoriale et bénéficié d’un vote favorable, elle reçut en dernier lieu le « consentement » du Sénat. Elle est aujourd’hui un des neuf « Justices » de la Cour Suprême. qui est sous le contrôle de l’Attorney General des États-Unis. Il existe de nombreux postes de juristes dans beaucoup d’Agences Fédérales comme la Federal Trade Commission, le National Labor Relations Board, la CIA, l’IRS,…
Au niveau des états, il y a en général à la tête du département de la Justice un State Attorney General qui est assisté d’un certain nombre de collaborateurs dont un grand nombre de « lawyers ». Dans la grande majorité des états, le State Attorney General est l’élu des électeurs de l’état comme l’est le gouverneur de l’état15C’est pourquoi on a pu voir récemment des State Attorneys General prendre des positions contraires à celles de leur gouverneur au sujet de la loi sur l’immigration votée par l’assemblée de l’État de l’Arizona. La controverse porte surtout sur le contrôle des pièces d’identité par la police de l’état. Le State Attorney General de l’Arizona était d’une opinion contraire à celle du gouverneur qui a signé la loi en question.. Le State Attorney General représente l’état dans les affaires civiles et pénales qui relèvent de la compétence de l’état.
Au niveau local, les comtés ou paroisses et villes sont représentés par des « prosecutors » souvent appelés county attorneys, ou county prosecutors mais aussi, et plus souvent, district attorneys (DA) ainsi que par des « city attorneys »

II. Les professions périphériques : paralegals, notaries…

Par professions « périphériques » nous faisons référence à des professions d’une autre nature qu’exclusivement juridique mais qui, néanmoins, font que leurs titulaires interviennent, à des degrés différents, dans l’exercice d’activités qui appartiennent à l’articulation du droit.

1 : « Notaries ». Ce mot anglais est traduit, littéralement, par « notaires » en langue française. La ressemblance entre les deux mots s’arrête là car il y a une vaste différence entre le « notary » aux États-Unis16En Angleterre, le « notary », comme le solicitor ou le barrister, est un « commissioner for oath » ; il a les mêmes pouvoirs que le solicitor sauf le droit de représenter un client devant les tribunaux à moins qu’il soit aussi admis au barreau ou qu’il soit aussi solicitor. Le « public notary » anglais doit avoir un diplome de droit ou être devenu solicitor ou barrister dans les cinq ans et avoir suivi un cours spécial de pratique notariale administré par l’Université de Cambridge. La demande des services d’un notary est faible dans la pratique anglaise. Un domaine dans lequel les « notaries » sont actifs est le droit international des affaires vu que leur connaissance des langues étrangères est indispensable dans la rédaction et la vérification des nombreux documents utilisés dans le commerce international. et le « notaire » en France. Aux États-Unis, un notary peut être toute personne âgée de 18 ans, sans casier judiciaire, résidente de l’état où elle va exercer ses activités, qui a suivi quelques cours de droit et de pratique notariale, cours souvent suivis par correspondance, qui a passé un examen et qui a reçu sa « commission », sous la forme d’un sceau, du gouvernement de l’état après paiement d’une certaine somme d’argent. Si de nombreux avocats ou leurs secrétaires sont aussi des « notaries », il n’est pas rare de voir également des « notaries » dans les grandes surfaces commerciales là où leurs services sont demandés surtout pour « authentifier » des signatures. Les services des notaries varient en nombre et forme selon les états mais, en règle générale, les notaries « certify », authentifient, des signatures sur des actes de donations, sur des reconnaissances de dettes,… Ils reçoivent surtout les serments ou « oaths » sur l’identité des auteurs et témoins de documents juridiques ….

2 : « Paralegals ». Les « paralegals » sont des collaborateurs ou assistants des lawyers. Ils doivent leur existence à la technicité et à la spécialisation croissantes du droit et de sa pratique. Certains « paralegals » ont leur JD alors que d’autres paralegals ont été formés sur le tas aux côtés d’un lawyer. Un paralegal fait le travail que le lawyer lui demande de faire, comme de préparer des documents, faire de la recherche… Les services que des paralegals peuvent apporter aux cabinets d’avocats ont conduit à la création d’Instituts ou Écoles de formation de paralegals.

3 : Title Examiner… On peut ajouter à ces professions périphériques les professionnels du droit de l’immobilier, appelés « title examiners », « abstractors », « title searchers » qui sont spécialisés dans l’examen des titres de propriété et de possession de biens immobiliers. Un grand nombre de ces professionnels ne sont pas détenteurs du JD. Beaucoup ont, en plus d’une formation universitaire, une formation professionnelle acquise dans des écoles techniques alors que d’autres acquièrent leur formation sur place dans ces cabinets spécialisés dans les transactions immobilières.

SECTION 2- LES PROFESSIONS JURIDIQUES ET L’ADMINISTRATION DU DROIT

Aux États-Unis, comme dans un grand nombre de pays, l’administration du droit et de la justice est principalement entre les mains de juges. Tous les juges américains, qu’ils appartiennent à l’administration de la justice fédérale ou à l’administration de la justice d’un état fédéré, présentent des traits communs. Au-delà de ces traits communs, il sera nécessaire d’aborder séparément les deux niveaux d’administration de la justice car il y a des différences importantes entre le statut d’un juge fédéral et celui d’un juge d’un état fédéré. En outre, tous les juges quels qu’ils soient sont entourés et assistés dans leur fonction d’un personnel administratif relativement restreint mais hautement qualifié.

I. Traits communs à tous les juges américains

Un premier trait commun à tous les juges américains est leur appartenance à un barreau. Ceci ne veut pas dire que seuls les lawyers ou praticiens du droit peuvent devenir juges. Pendant la période coloniale, et jusqu’au XIXe siècle, les juges n’avaient pas nécessairement une formation juridique et ils n’étaient pas tous inscrits à un barreau. Aujourd’hui, avec quelques exceptions mineures dans certains états, tous les juges américains ont nécessairement été membres d’un barreau avant de devenir juges. Ils ont donc tous reçu la même formation universitaire et, en règle générale, la même formation professionnelle. Du fait qu’ils ont été membres d’un barreau, les juges américains ont donc « pratiqué » le droit comme lawyers, ou comme procureurs, ou comme avocats de l’assistance judiciaire ou, encore, mais plus rarement, comme professeurs de droit. Felix Frankfurter qui fut juge à la Cour Suprême des États-Unis avait été professeur de droit pendant 25 ans avant d’être nommé à la Cour Suprême. L’ancien président ou juge en chef de la Cour Suprême William Rehnquist avait été chef de l’« Office of Legal Counsel » au Département Fédéral de la Justice. Mme Elena Kagan, dont la nomination par le Président Obama à la Cour Suprême vient d’être ratifiée par le Sénat, a été professeur de droit, doyenne de la Faculté de Droit de Harvard et « solicitor general » auprès du Département Fédéral de la Justice. Ces exemples font comprendre, en outre, qu’en règle générale les juges américains sont, à l’âge où ils deviennent juges, plus âgés que leurs homologues des juridictions de droit romano-germanique.
Un second trait commun aux juges américains est, qu’à proprement parler, ils ne font pas « carrière » dans l’administration de la justice. En un sens, être juge aux États-Unis n’est pas une profession, mais une « occupation », une « activité » qui peut être de courte durée comme elle peut être de plusieurs années, voire des décennies. En outre un juge américain ne débute pas obligatoirement ses fonctions au bas de l’échelle d’une structure judiciaire, qu’elle soit fédérale ou étatique. De plus, un juge d’une cour ou d’un tribunal ne gravit pas nécessairement et toujours les échelons supérieurs après qu’il ait servi un certain nombre d’années à un niveau inférieur. Si un juge a l’ambition d’être promu à un échelon supérieur il faudra que cette promotion vienne, non pas des rouages internes à la structure judiciaire mais, plutôt, d’une tierce personne qui pourra être l’électorat ou une autorité « politique ». La sanction de la bonne ou mauvaise conduite d’un juge viendra de l’électorat ou de quelque autorité politique qui ne renouvellerait pas ce juge dans ses fonctions, et les raisons de cette sanction pourraient n’avoir aucun rapport avec l’administration de la justice proprement dite par ce juge.
Un troisième trait commun aux juges américains est qu’ils sont la personnalisation d’une réalité politique. Ils ont été ou bien élus aux fonctions auxquelles ils ont été candidats, ou alors ils ont été nommés par une autorité politique elle-même l’émanation de l’électorat. C’est donc le peuple qui, directement ou indirectement, choisit ses juges. Il faut donc reconnaitre que pour devenir juge dans le système judiciaire américain il est quasiment indispensable d’avoir un support politique qui permette d’attirer, et de canaliser, l’attention de l’électorat ou de l’autorité politique compétente sur le candidat. Vu le rôle des « lawyers » dans la vie politique américaine, il est facile d’en déduire que « le droit et la politique » sont, pour beaucoup de lawyers qui ont fait une bonne carrière, la voie royale qui peut faire d’eux des juges. Il est un fait que les éléments composants de la société américaine font que les rapports entre la « politique » et le « droit » y sont plus transparents que dans beaucoup d’autres systèmes juridiques… et politiques.

II. Modes de sélection des juges

La structure fédérale des États-Unis conduit nécessairement à distinguer la sélection des juges fédéraux de la sélection des juges des états de la fédération.

A. Les juges fédéraux.

Il y existe deux ordres ou catégories de juges fédéraux. Il y a d’un côté les juges fédéraux dits « juges de l’article III » de la Constitution et, d’un autre côté, les juges nommés dans le cadre de l’article I de la Constitution17d’enquêtes menées par des commissions de lawyers et juges21. L’ultime contrôle appartient à la Cour Suprême de l’état comme aux électeurs dans ces états où les juges sont élus. Il est possible également qu’un juge fasse l’objet d’une procédure d’ « impeachment » devant les assemblées de l’état. C. Le personnel judiciaire22 Il reste à dire quelques mots de certains membres du personnel des tribunaux. Il existe dans tous les tribunaux des « clerks of Court » qui sont chargés de tous les aspects de l’administration d’un tribunal et de certaines phases du bon déroulement des procès. Pour devenir « clerk of court », il n’est pas requis d’avoir un diplôme de droit ni même un diplôme universitaire. Les juges des tribunaux d’états, les cours supérieures davantage que les cours de districts, sont assistés d’un ou de plusieurs « law clerks » ou « judicial clerks ». Au niveau fédéral, les juges des tribunaux de districts, des Cours d’Appel et les « Justices » de la Cour Suprême ont des « law clerks ». Dans la grande majorité des cas, un « law clerk » est diplômé d’une Faculté de Droit, parmi les meilleures de préférence, et « lawyer » parce que membre d’un barreau. Le « law clerk » est donc un professionnel du droit qui a « décroché » ce poste d’assistant d’un juge, poste que le law clerk occupera pendant un an ou deux avant d’embrasser une activité professionnelle qui sera, dans la très grande majorité des cas, celle de « lawyer ». Un petit nombre de law clerks, du fait de la grande renommée de la Faculté de droit dont ils sont diplômés et de la nature exceptionnelle de la « clerkship » qu’ils ont occupée, peuvent aspirer à devenir professeur de droit, voire même à siéger un jour à la Cour Suprême23. United States Court of Appeals for the Armed Forces. Il existe aussi des Cours de l’Article IV qui sont établies dans les territoires de Guam, les Mariana Islands et les U.S.Virgin Islands. Il y a en outre des tribunaux militaires.

a : Les juges fédéraux dits de l’article III de la Constitution sont nommés par le Président des États-Unis avec l’avis et le consentement du Sénat18L’article III Section I de la Constitution stipule que « Le pouvoir judiciaire des États-Unis est dévolu à une Cour Suprême et à telles cours inférieures dont le Congrès peut, au fur et à mesure des besoins, ordonner l’établissement… ». Font parties de l’article III, la Cour Suprême, les (13) Cours Fédérales d’Appel, les (94) Cours Fédérales de District et la Cour du Commerce International. Un juge d’une cour fédérale qui atteint l’âge de 65 ans peut soit prendre sa retraite soit demander à avoir « senior status » et continuer à siéger.. Ces juges sont nommés à vie et ne peuvent être démis de leurs fonctions que par la procédure de l’« impeachment ». Un juge de l’article III jouit en outre de la garantie constitutionnelle de son salaire en ce sens que son salaire n’est susceptible d’aucune diminution pendant tout le temps que le juge sera en fonction. Selon le niveau du poste de juge à remplir, le Président est plus ou moins impliqué dans le processus de sélection. Au niveau des Cours d’Appel et surtout de la Cour Suprême, le Président fait sa sélection d’un nom ou d’un autre après de longues consultations avec ses conseillers ainsi qu’avec les dirigeants de l’American Bar Association. Il est essentiel que le candidat possède les qualifications juridiques requises pour occuper cette position prestigieuse qu’est celle de juge fédéral. Le Président est souvent influencé dans son choix par ses amis « politiques », parmi les Sénateurs en particulier, surtout lorsqu’il s’agit de la nomination d’un juge à une Cour Fédérale d’Appel qui est compétente dans le « circuit » dans lequel est situé l’état du Sénateur qui recommande un candidat ou, plus encore, quand ce Sénateur soulève de sérieuses objections au choix fait par le Président. De nombreuses considérations politiques, raciales, humaines, religieuses entrent en jeu dans ces nominations surtout lorsqu’il s’agit de choisir un nouveau juge à la Cour Suprême.
Les juges des cours fédérales autres que les cours de l’article III sont aussi nommés par le Président avec le consentement du Sénat. Ces juges sont nommés pour une période de quinze ans en général. Leur nomination ne fait pas la une des journaux car le processus de leur nomination ne provoque pas de grandes controverses.

b : Les Federal Magistrate Judges ou « Federal Magistrates » ; les juges des faillites.
Les Federal Magistrates19Ils étaient au nombre de 678 au début de l’année 2010. Le Congrès créa les « federal judicial commissioners » en 1968 pour les remplacer, en 1990, par les « federal magistrate judges ». sont nommés par les juges des cours fédérales de district pour une période de 8 ans, période qui est renouvelable. Les juges choisissent les « magistrates » parmi des « lawyers » qui ont une longue expérience, qui ont une bonne réputation et qui sont recommandés par un comité de sélection.
Les Magistrates sont chargés de présider, au civil comme au pénal, les audiences préliminaires à un procès. Ils peuvent également siéger comme juge dans des affaires pénales mineures et, avec le consentement des parties, dans des affaires civiles. Quant aux juges des faillites ils sont nommés par les juges des Cours Fédérales d’Appel pour une période de 14 ans. Leur mandat peut être renouvelé20Le renouvellement de ces juges de faillite comme des magistrates se fait après revue des évaluations sur l’exercice de leurs fonctions par des commissions..

B. Les juges des états

Comme au niveau fédéral, il n’existe pas non plus dans les états d’école professionnelle de formation des juges. La sélection des juges des états ne répond pas à une procédure commune à tous les états. Il existe, en fait, une grande variété dans les systèmes de sélection des juges. Chaque état étant souverain en la matière il arrive même que dans un état il puisse exister différentes procédures de sélection des juges selon le niveau hiérarchique d’un tribunal. Il est possible, néanmoins, d’identifier trois systèmes majeurs :
– Le système de nomination par l’exécutif : le gouverneur de l’état nomme les juges à partir d’une liste de noms de candidats qui ont pu être préalablement sélectionnés par le barreau local et par une commission d’une assemblée du parlement local. Les mandats de ces juges pourront être de 4 à 6 ans tout comme ils pourraient être de 12 à 15 ans.
– Le système de l’élection : de nombreux états ont adopté un système d’élection des juges semblable à l’élection des membres des assemblées législatives. Le fondement que l’on attribue à ce système pour justifier sa légitimité est qu’un juge dans un régime démocratique, tout comme un membre d’une assemblée législative, exerce un pouvoir qui lui vient du peuple et, qu’en retour, il doit être responsable devant le peuple. Dans certains états l’élection des juges se fait, officiellement, sans référence à un parti politique. Il n’en reste pas moins que tout candidat doit financer sa campagne « judiciaire » d’une façon ou d’une autre !
– Le plan dit « Missouri » et ses variantes. Le « Missouri Plan » de 1940 est présenté comme un heureux mélange des deux autres systèmes avec les deux avantages supplémentaires qu’il garantit à la fois la neutralité politique du système de sélection du juge et la qualification incontestable des candidats. Le rouage essentiel de ce système est une commission faite de lawyers, de juges et de personnes ordinaires. Cette commission choisit trois noms de candidats pour chaque siège de juge à pourvoir uniquement sur la base des qualités intellectuelles et de l’expérience professionnelle de chacun des candidats. Les noms des trois candidats sont envoyés au gouverneur à qui revient la responsabilité de choisir un des trois noms. Le candidat nommé par le gouverneur devient juge pendant un an au moins jusqu’à ce qu’une élection générale ait lieu. Une question sera alors posée aux électeurs sur l’avenir du juge : mérite-t-il de continuer à servir en qualité de juge ou, au contraire, doit-il être démis de ses fonctions. Un juge qui est confirmé dans ses fonctions se voit alors donné un mandat de 12 ans s’il est juge d’une cour d’appel ou un mandat d’une durée plus courte s’il est juge de première instance. À peu près la moitié des états de la fédération ont adopté ce « Missouri Plan », ou une variante. L’expérience prouve qu’il assure un bon niveau de compétence des juges et diminue très sensiblement l’influence des partis politiques même si, en dernier ressort, le gouverneur peut choisir celui des trois candidats avec lequel il aurait plus d’affinité.
D’un point de vue déontologique, tous les états ont mis en place des procédures qui permettent d’assurer la bonne conduite des juges. Il s’agit en particulier d’enquêtes menées par des commissions de lawyers et juges21Ces commissions sont connues sous les noms de « Judicial Tenure Commission » ou « Board of Judicial Standards ».. L’ultime contrôle appartient à la Cour Suprême de l’état comme aux électeurs dans ces états où les juges sont élus. Il est possible également qu’un juge fasse l’objet d’une procédure d’« impeachment » devant les assemblées de l’état.

C. Le personnel judiciaire22Un certain nombre d’officiers des forces de l’ordre peuvent être rattachés au personnel judiciaire : il s’agit du « sheriff », du « US marshal », du « constable », de l’« officier de police urbaine »… Il n’est pas requis d’avoir un diplôme de droit pour briguer ces occupations.

Il reste à dire quelques mots de certains membres du personnel des tribunaux. Il existe dans tous les tribunaux des « clerks of Court » qui sont chargés de tous les aspects de l’administration d’un tribunal et de certaines phases du bon déroulement des procès. Pour devenir « clerk of court », il n’est pas requis d’avoir un diplôme de droit ni même un diplôme universitaire.
Les juges des tribunaux d’états, les cours supérieures davantage que les cours de districts, sont assistés d’un ou de plusieurs « law clerks » ou « judicial clerks ». Au niveau fédéral, les juges des tribunaux de districts, des Cours d’Appel et les « Justices » de la Cour Suprême ont des « law clerks ». Dans la grande majorité des cas, un « law clerk » est diplômé d’une Faculté de Droit, parmi les meilleures de préférence, et « lawyer » parce que membre d’un barreau. Le « law clerk » est donc un professionnel du droit qui a « décroché » ce poste d’assistant d’un juge, poste que le law clerk occupera pendant un an ou deux avant d’embrasser une activité professionnelle qui sera, dans la très grande majorité des cas, celle de « lawyer ». Un petit nombre de law clerks, du fait de la grande renommée de la Faculté de droit dont ils sont diplômés et de la nature exceptionnelle de la « clerkship » qu’ils ont occupée, peuvent aspirer à devenir professeur de droit, voire même à siéger un jour à la Cour Suprême23Ce fut le cas de William Rehnquist qui avait été law clerk de Justice Robert Jackson et c’est aujourd’hui le cas d’Elena Kagan qui avait été une des law clerks du Juge Thurgood Marshall avant d’être professeur de droit à Chicago et Harvard..

Conclusion

Conclusion24Extraits du rapport 2009 American Bar Association ; extraits de « Le Droit Sans l’État sur la Démocratie en France et en Amérique », Laurent Cohen-Tanugi, PUF 1985 ; extrait de « La Civilisation Américaine », André Kaspi, François Durpaire, Hélène Harter, Adrien Lherm, PUF, 2006.

Aux États-Unis, « le droit imprègne tout et il mène à tout ». Déjà les signataires de la Déclaration d’Indépendance de 1776 étaient en majorité des juristes. « Par la suite, la construction du fédéralisme américain, instaurant un délicat équilibre, inscrit dans la Constitution, entre les souverainetés étatiques et le pouvoir fédéral, et entre les pouvoirs publics et les libertés des citoyens, devait donner au droit et aux juristes un rôle fondamental d’arbitrage et de régulation entre les différents pouvoirs. D’où, historiquement, le développement d’une classe politique constituée de juristes, phénomène qui est une donnée permanente de la vie politique américaine…» Le lawyer, le légiste d’Alexis de Tocqueville, « tire son pouvoir de sa compétence, nourrie de l’extrême complexité du système juridique américain. La profession juridique, l’establishment juridique convient-il mieux de dire, jouit d’un avantage hiérarchique par rapport aux autres professions. Interprètes d’une science occulte, les lawyers ont un pouvoir à la mesure du rôle du droit dans la vie politique, économique et sociale américaine. » « Il n’est presque pas de question politique, aux États-Unis, qui ne se résolve tôt ou tard en question judiciaire », remarquait déjà Tocqueville qui ajoutait que « le gouvernement de la démocratie est favorable à la puissance des légistes. Lorsque le riche, le noble et le prince sont exclus du gouvernement, les légistes y arrivent pour ainsi dire de plein droit ; car ils forment alors les seuls hommes éclairés et habiles que le peuple puisse choisir hors de lui»25Laurent Cohen-Tanugi, Le Droit sans l’État, PUF 1985 ; Alexis de Tocqueville, De l’Esprit Légiste aux États-Unis et Comment il Sert de Contre-Poids à la Démocratie, Éd.Génin, 1951, p. 401 et seq..

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