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Hans Jürgen SONNENBERGER

Professeur émérite de la Ludwig Maximilians Universität München

 

I. Introduction

Le professeur Bergel, mon ami, m’a demandé de parler sur « les professions juridiques en Allemagne ». Malheureusement je n’ai pas donné une particulière importance à ce titre et m’en suis rendu compte seulement lors de la préparation de mon intervention, notamment de sa dimension. En Allemagne, par profession juridique on n’entend pas les professions qu’un juriste peut exercer comme tout diplômé.
Il s’agit exclusivement des professions réservées au Volljurist, c’est-à-dire au juriste qui est titulaire des deux examens juridiques d’État qui sanctionnent les études universitaires et les stages de deux ans du Referendariat qui suivent. À cela s’ajoutent les équivalents étrangers reconnus en Allemagne. Cette définition élimine les professions qui exigent des connaissances en droit sans qu’il soit nécessaire d’être titulaire des deux examens d’État. C’est le cas par exemple du conseiller fiscal et conseil juridique (Steuerberater, Rechtsberater) ou des autres prestataires de
services de droit (Rechtsdienstleister) au sens de la loi sur les services juridiques extrajudiciaires du 12 décembre 2007. D’autre part la définition englobe certains fonctionnaires supérieurs et notamment les juges ordinaires, les juges fonctionnarisés des juridictions spécialisées et les magistrats du parquet. L’évolution la plus intéressante concerne les avocats et notaires (Rechtsanwalt et Notar) et leur adaptation à l’européisation et internationalisation des relations de droit.
Concernant l’avocat s’impose encore une remarque préliminaire. Comme catégorie particulière, on connaît en Allemagne le Patentanwalt, avocat spécialisé en brevets, qui en réalité, nonobstant la dénomination d’Anwalt et sa fonction de représenter un client devant les instances des brevets, n’est pas un avocat, mais un ingénieur-conseil en brevets, comparable à son homologue français.

II. L’avocat

Dans la première partie je parlerai de l’avocat dont le statut, ces dernières décennies, a subi de profondes modifications. À l’époque de mes études dans les années cinquante l’avocat a été considéré comme « auxiliaire de justice » qui, normalement, exerçait seul son métier qualifié de profession libérale. L’avocat de renom en général, en sus des conditions légales d’admission, avait fait son doctorat en droit. Il exerçait comme généraliste même s’il avait une certaine spécialisation. Sa fonction principale était de représenter son client devant le juge lorsqu’il est obligatoire de constituer avocat. Cette approche de la profession s’est profondément développée. Comme en Allemagne, les professeurs de droit, pendant leur vie active, n’ont pas le droit de s’établir en même temps comme avocat, je ne parlerai pas de ma propre expérience professionnelle. Mais j’ai pu contacter l’ancien secrétaire général de la chambre des avocats de Munich, actuellement secrétaire général de la chambre des avocats auprès de la Cour fédérale, qui m’a procuré des informations précieuses.
La réglementation de base de la profession se trouve dans la loi fédérale sur les avocats (Bundesrechtsanwaltsordnung) du 1er août 1959 modifiée et modernisée par le règlement de déontologie du 1er septembre 2000 et les règles professionnelles européennes adoptées le 28 décembre 1988, actuellement en vigueur dans la version du 1er novembre 20011Collection complète des dispositions légales et réglementaires : Horn, Berufsrecht der Anwaltschaft, Textsammlung, 10e éd., Bonn, 2009..
Selon les paragraphes 1 à 3 de la loi sur les avocats, celui-ci est un organe indépendant de la justice qui exerce une profession libérale sans caractère commercial avec la vocation de conseiller et de représenter ses clients (Mandanten) dans toutes les affaires juridiques. Chacun a la liberté de se faire conseiller et représenter par un avocat de son choix. La représentation par avocat est obligatoire devant le juge de la famille (Familienrichter) dans les affaires matrimoniales, notamment le divorce (§ 114 de la loi du 17 décembre 2008 sur la procédure des affaires de famille et la juridiction gracieuse), ainsi que devant les tribunaux de grande instance et les cours d’appel (Landgericht et Oberlandesgericht ; § 78 du Code de procédure civile, ZPO).
Tandis que la représentation des parties par l’avocat devant le juge n’a pas beaucoup changé par rapport au passé, sa fonction de conseil du client, indépendamment de tout litige a beaucoup évolué. Il y a aujourd’hui beaucoup de cabinets d’avocats qui sont devenus de vrais conseils d’entreprise dans tous les domaines juridiques qui intéressent leur client. Souvent la représentation d’un client devant le juge est devenue une activité secondaire. Je reviendrai à ce changement quand je parlerai de l’organisation et de la spécialisation actuelles de la profession. Il est évident que l’avocat généraliste d’antan souvent ne serait plus capable de jouer ce nouveau rôle.
Ici j’aimerais ajouter un mot sur une autre activité de l’avocat relativement récente, la médiation. À la différence du droit autrichien, où la médiation est réglée dans une loi du 6 janvier 2003 2BGBE 2003.I.123., en Allemagne il n’existe pas de loi particulière. Mais, la médiation est prévue comme instrument pour résoudre une dispute entre les parties dans le cadre d’un procès contradictoire et également dans une procédure devant le juge de la famille (§ 278, 5e al. ZPO ; 156, 1er al., phrase 3 loi sur la procédure dans les affaires de famille). La médiation peut être confiée à un avocat spécialisé, qui a le droit de porter le titre « Mediator » (§ 7 a du règlement de déontologie). L’avocat, dans cette fonction, reste soumis aux obligations imposées par les règles déontologiques (§ 18 du règlement). Indépendamment de toute procédure judiciaire la médiation peut être convenue librement par les intéressés.

Il est difficile d’évaluer l’impact de la médiation sur l’activité de l’avocat en général. Il n’y a pas de statistique. Cela n’empêche qu’aujourd’hui l’activité des avocats se caractérise par trois piliers : par la représentation et la consultation des clients et par la médiation confiée par les parties d’une dispute ou par le juge. Concernant l’admission à la profession d’avocat, le droit allemand se distingue nettement du droit français. En Allemagne, selon le § 4 de la loi sur les avocats peut être inscrit comme avocat celui qui possède la capacité d’exercer la fonction de juge
ordinaire conformément à la loi sur les magistrats du 19 avril 1972. Cela signifie que chaque juriste qui a passé avec succès les deux examens juridiques d’État, déjà mentionné, peut demander son inscription auprès de la chambre des avocats, comparable au barreau français, immédiatement et sans autre condition.
Dans le passé les deux examens d’État ont été incontournables. Aujourd’hui il y a deux alternatives créées par la transposition des directives communautaires concernant la liberté d’établissement et d’exercice de la profession. Selon le § 4 de la loi sur les avocats complété par la loi du 9 mars 2000, il s’agit, d’une part, de l’intégration par une activité de trois ans en Allemagne et en droit allemand comme avocat européen. Cette possibilité existe pour celui qui a déjà travaillé comme avocat dans son pays d’origine. D’autre part, il s’agit de l’intégration d’un titulaire d’un diplôme permettant l’exercice de la profession d’avocat dans son pays d’origine par un diplôme supplémentaire en Allemagne. Il ne s’agit que d’un diplôme supplémentaire destiné à prouver la capacité d’exercer la profession en Allemagne. Dans les deux cas d’espèce le demandeur est admis comme Rechtsanwalt et inscrit comme tel auprès de la chambre des avocats.
La première option est devenue la règle. Dans le ressort de la chambre des avocats de Munich on compte actuellement autour de 100 avocats étrangers et dans le ressort de la chambre de Francfort 270 avocats étrangers qui ont choisi cette possibilité. Aucun n’a choisi le diplôme supplémentaire. Selon mes informations il y a en tout 500 avocats européens qui aujourd’hui sont inscrits auprès d’une chambre d’avocats allemande.
On peut poser la question de savoir comment les avocats venant des autres pays membres de l’Union européenne arrivent à travailler pendant trois ans en Allemagne sans être inscrits comme Rechtsanwalt. Comment trouvent-ils des clients, comment financent-ils leurs activités ? L’explication est fournie par les grands cabinets internationaux dont il sera encore question. Un seul exemple suffira : un jeune avocat français a travaillé comme employé dans le cabinet de Clifford Chance à Paris. Après quelques années, il est détaché à Francfort où il travaille dans le même cabinet pendant trois ans comme avocat européen sous le contrôle d’un collègue inscrit comme Rechtsanwalt allemand. Cela suffit pour qu’il puisse être également inscrit comme Rechtsanwalt.
Une dernière remarque à cet égard concerne une évolution récente qui pourrait avoir des conséquences importantes à long terme. Jusqu’à présent un étudiant allemand qui faisait ses études, passait son premier examen d’État et suivait ensuite également la formation pratique classique allemande couronnée par le deuxième examen d’État. Mais depuis peu on trouve des jeunes juristes allemands qui ont suivi leurs études et formation juridique dans un autre pays-membre de l’Union européenne parce que l’accès à la profession d’avocat y est plus court ou plus facile ou parce qu’ils avaient échoué en Allemagne ou aussi parce qu’ils ont des liens personnels avec ce pays. Retournant en Allemagne, ils réclament leur inscription comme Rechtsanwalt selon les règles en vigueur pour les avocats européens. D’après un article3Horn, DATEV, Magazin 2008, PHO et uiv. publié récemment par le secrétaire général de la chambre des avocats auprès de la Cour fédérale, cette voie est tout à fait légitime et peut même être avantageuse pour l’intéressé. Je ne cite qu’un seul exemple : le fils d’un couple de médecins résidant et pratiquant dans la ville de Brême avait commencé ses études de droit dans cette ville. Mais il s’aperçut vite qu’il était beaucoup plus intéressant pour lui de continuer en Angleterre. Ensuite il a commencé sa carrière chez Stiefenhofer LLP à Londres où il a été enregistré comme solicitor. Comme le jeune homme est bilingue et comme les avocats ayant une compétence de l’anglais professionnel sont très recherchés en Allemagne, il décide d’y retourner où il est accueilli à bras ouverts par un grand cabinet spécialisé dans le domaine du droit bancaire et des affaires. Voilà une évolution encore inimaginable pour les jeunes juristes de nationalité allemande il y a quelques années.
Un autre sujet : je rappelle la notion traditionnelle de l’avocat comme généraliste, même s’il était spécialisé en quelque sorte. Cette situation a profondément changé. Pour le rayon de compétence du tribunal de grande instance d’Augsbourg, ville de 250 000 habitants où j’habite, chef-lieu de la région bavaroise Souabe, siège de plusieurs juridictions et de la préfecture de région, le 14 avril 2010, 1423 avocats sont inscrits dans la chambre d’avocats de Munich dont 957 comme généralistes et 466 comme Fachanwälte, avocats spécialisés. Les cabinets les plus importants sont
ceux de Fachanwalt. Un grand nombre des généralistes se trouve dans les petites villes et villages de la région. Fachanwälte est un titre qui peut être attribué par la chambre des avocats à celui qui s’est soumis à un certain nombre de contrôles et fournit des documents qui font preuve de ses compétences spéciales ainsi que de son expérience. La disposition de base se trouve dans le § 43 c de la loi sur les avocats qui est complété par la Fachanwaltsordnung, règlement pour les avocats spécialisés, actuellement en date du 1er juillet 2009. La spécialisation n’est pas laissée à la libre
appréciation de l’avocat intéressé mais réglementée par la loi qui définit également les contrôles par des commissions spécialisées de la chambre des avocats et impose la formation continue. Les spécialistes et les conditions des avocats spécialisés sont définies dans le 1er paragraphe et les paragraphes 8 et suivants de la Fachanwaltsordung.
Avec la spécialisation de la profession est apparu le phénomène de la mise en commun de l’activité. Les avocats à Augsbourg, pour revenir sur l’exemple cité, en grande partie ne travaillent plus isolément. Souvent on trouve des panneaux des cabinets qui comportent un grand nombre d’avocats spécialisés dans différents domaines. La loi sur les avocats va encore plus loin. Dans son § 59 a, elle permet aux avocats généraux ou spécialisés, ingénieurs-conseils en brevets, conseils fiscaux, experts-comptables, experts-comptables assermentés, allemands ou européens de s’associer pour exercer en commun leur profession dans le cadre de la compétence de chacun. Aujourd’hui, selon la combinaison des spécialités des membres associés ou employés (§ 46 de la loi sur les avocats), le client peut contracter avec une société d’avocats un seul contrat général de consultation concernant tous ses intérêts juridiques, fiscaux, comptables, matrimoniaux, successoraux etc.
Jusqu’à présent, il y a des limites à la mise en commun de la profession d’avocat qui résultent du § 59 a de la loi sur les avocats. On ne peut pas, pour l’instant, associer les conseils d’entreprise, conseils médicaux et pharmaceutiques, des experts techniques de la construction etc. Mais l’évolution s’oriente dans cette direction.
Récemment, le journal Frankfurter Allgemeine Zeitung a publié un article4FAZ du 9.1.2010, p. 15. sur le phénomène. Les grandes entreprises de la production et de la grande distribution sollicitent de plus en plus des consultations sur l’opportunité d’un acte de concurrence, sur la possibilité de la commercialisation d’un produit, sur les risques d’un procédé médical etc. qui dépassent les questions de droit. Les grands cabinets d’avocats, nonobstant le § 59 a précité réagissent à cette demande, semble-t-il, par l’embauche de collaborateurs qui leur permettent d’y répondre. Selon l’information par le secrétaire général de la chambre des avocats auprès de la Cour fédérale à ce sujet, un projet de loi est en préparation au sein du ministère fédéral de justice.
Les différentes formes de mise en commun de l’exercice de la profession d’avocat sont un sujet particulièrement intéressant. Elles sont aujourd’hui variées. L’information se limite, par nécessité, au strict minimum. À l’origine, l’instrument le plus utilisé est la mise en commun du cabinet. Cette option est toujours possible, mais elle est devenue plus rare. Les possibilités plus répandues aujourd’hui sont : la société civile (BGB Gesellschaft) réglée dans les paragraphes 705 et suiv. du BGB ; la société en partenariat des professions libérales (Partnerschaftsgesellschaft), réglée dans la loi du 25 juillet 1994 actuellement en vigueur dans la version du 23 octobre 2008, qui a pour modèle la société en nom collectif (offere Handelsgesellschaft) ; la société d’avocats qui, selon le § 59 c 1er al. de la loi sur les avocats est une SARL et par conséquent réglée par la loi sur les SARL (GmbH-Gesetz) dans la mesure où les paragraphes 59 c à 59 m de la loi sur les avocats ne contiennent pas des règles particulières.
Chaque type de société a des avantages et des désavantages, par exemple en ce qui concerne la responsabilité contractuelle. Dans la société civile d’avocats les associés sont débiteurs solidaires selon le § 51 a, 2e al. de la loi sur les avocats. La solidarité est également prévue dans le § 8, 1er al. de la loi de 1994 sur les sociétés en partenariat, mais sous réserve du 2e al. : lorsque le mandat est exclusivement confié à un seul avocat, le client, en cas d’inexécution peut engager seulement la responsabilité de la société et les biens sociaux et la responsabilité personnelle de l’avocat concerné. Dans la société d’avocats, comme dans toute SARL (GmbH), il n’y a pas de responsabilité personnelle des avocats associés. Pour cette raison le § 59 j de la loi sur les avocats impose une assurance responsabilité professionnelle particulière, largement supérieure à celle de l’avocat individuel (§ 51). Il est difficile de dire quel type de société est le plus avantageux. Je constate simplement que la société en partenariat arrive de loin en tête. On en comptait 1645 en 2006. Mais la société d’avocats en tant que SARL est également appréciée, notamment par les très grands cabinets. En 2006 on en comptait 217.
À côté des types de société de droit allemand, il faut au moins brièvement noter le GIEE régi par le règlement (CE) N° 2137/85 et la loi allemande d’exécution en date du 14 avril 1988 concernant la coopération européenne transfrontalière. La situation à cet égard est comparable à celle qui existe en France. C’est pourquoi il n’est pas utile d’ajouter des remarques supplémentaires.

J’aimerais, en revanche, ajouter quelques mots au sujet d’une récente évolution discutée en République fédérale. Depuis l’arrêt Überseering5CJCE, 5 novembre 2002, aff. C-208/00, Rev. crit. D.I.P, 2003, p. 508, note Lagarde. de la CJCE un pays membre de l’Union européenne ne peut plus refuser l’établissement d’une société valablement fondée dans un autre pays-membre. Or, en Angleterre existe une espèce de société comparable à la SARL, la LLP (limited liability partnership), réglementée dans un statut de 2001 et aujourd’hui très répandue. Il s’agit d’une société qui, pour différentes raisons est très appréciée par les solicitors anglais. Dans ce type de société, il n’y a pas de responsabilité contractuelle personnelle des avocats associés. Mais, contrairement à la société d’avocats allemande, il n’existe pas une assurance de responsabilité professionnelle particulière de la société. Aujourd’hui une grande société anglo-allemande a adopté la forme de la LLP. Il s’agit de la Stiefenhofer LLP, qui a son siège à Londres mais des succursales en Allemagne. La question qui inquiète actuellement la Chambre fédérale des avocats concerne la possibilité de LLP d’avocats créées en Angleterre qui s’établissent en Allemagne en réclamant la liberté d’établissement sur le fondement de l’arrêt Überseering6Comp. Siems, Deutsche und französische Rechtsanwaltkanzleien als LLP, ZVgeRWiss, 2008, p. 60 et suiv.. Un groupe de travail de la Chambre fédérale est en train d’étudier ce problème et de faire éventuellement des propositions d’un addendum à la loi sur les avocats.
Pour se faire une idée plus détaillée de la profession d’avocat en Allemagne, il serait nécessaire d’ajouter quelques mots au moins sur les droits et obligations professionnels, réglés en partie dans la loi sur les avocats et complétés dans le règlement de déontologie, déjà mentionné. Il serait également intéressant de mettre en lumière les règles contractuelles qui dominent les relations entre l’avocat et son client, y compris celles du droit des conflits qu’il faut de plus en plus souvent consulter en raison de l’internationalisation des activités des avocats. Il aurait été également utile d’ajouter quelques mots sur les juridictions spéciales des affaires d’avocats (Gerichte in Anwaltssachen), qui est une vraie juridiction particulière organisée en trois degrés (tribunal, cours, sénat particulier au sein de la Cour fédérale), réglée dans les paragraphes 92 et suivants de la loi sur les avocats. Mais tout cela n’est pas possible. Par contre j’aimerais ajouter quelques remarques sur les notaires.

III. Le notaire

La réglementation allemande de base se trouve dans la Bundesnotarordnung, la loi fédérale sur les notaires du 13 février 1937, actuellement en vigueur dans la version du 30 juillet 20097BGBE (J.O. R.F.A.) 2009.I.2449.. Comme en France, le notaire, selon le premier paragraphe de la loi, exerce la fonction publique de l’authentification des actes et d’autres fonctions de la justice préventive qui lui sont confiées (réglées plus en détail dans les paragraphes 20-24 de la loi). Pour cette raison on parle souvent de la fonction de juridiction gracieuse du notaire qui cependant n’est pas identique à celle du notaire en France. L’exemple le plus parlant concerne le droit des successions. En Allemagne il y a un juge des successions et par conséquent les fonctions du notaire dans ce domaine sont très limitées.
L’approche du notariat comme fonction publique entraîne la limitation du nombre des notaires qui est arrêté par le ministère de la justice de chaque État fédéré (Bundesland). La nomination du notaire appartient également aux ministres de la justice. Elle nécessite la nationalité allemande du candidat selon le § 5 de la loi. Avec la nomination le ministre attribue au notaire un siège de l’office notarial. Le notaire qui part à la retraite n’a pas le droit de présenter son successeur.
En principe l’activité d’authentification des actes se limite au ressort de la Cour d’appel (Oberlandesgericht) où se trouve l’office du notaire. Un notaire étranger ne peut pas authentifier des actes sur le sol allemand. La question de savoir si ce système relativement étroit est compatible avec les articles 49 et 56 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE) est actuellement un important sujet de discussion8Heinz/Scrivenes/Ritter, Deutsche Notare und Europäische Grundrechte, EuZW 2009, 599 et suiv.. D’une part la question de savoir si le § 5 de la loi sur les notaires est compatible avec la liberté d’établissement garantie par l’article 49 TFUE a été soumise à la CJCE9JOUE n° 107 du 26.4.2008.. La Cour ne s’est pas encore prononcée. D’autre part, se pose la question de savoir si la limitation territoriale de l’activité d’authentification et l’interdiction d’établissement des notaires d’un autre pays-membre de l’Union européenne sont compatibles avec l’article 56 TFUE. À cet égard les Pays-Bas et l’Angleterre ont joué le rôle de précurseurs en 2009. Il semble que l’Angleterre et l’Allemagne soient en train de suivre cet exemple pour prévenir une intervention de Bruxelles10Comp. Heinz/Scrivener/Ritter (note 8), p. 599.. L’argument principal contre l’application des articles 49 et 56 du Traité aux notaires tirée des articles 51 et 62 du même traité concernant l’exception des activités « participant à l’exercice de l’autorité publique » ne semble plus jouer en faveur de la fonction des notaires d’authentifier les actes. Selon le jurisprudence de la CJCE la notion d’autorité publique au sens de l’article 51 du traité se limite aux actes iure imperii pour lesquels l’État a créé un pouvoir de coercition du titulaire de la fonction publique. Or le notaire n’entre pas dans cette catégorie. C’est pourquoi on ne peut plus exclure qu’il faut s’attendre à des modifications importantes des fonctions et du rôle des notaires allemands en raison du droit européen, en dépit du fait que l’organisation du notariat en Allemagne restera en grande partie inchangée.
Concernant l’organisation du notariat en Allemagne, on distingue trois types de notaires, ce qui s’explique historiquement. Dans une partie de l’Allemagne on trouve le notaire comparable cum grano salis à son homologue français, italien ou espagnol. Il s’agit du notaire qui exerce exclusivement cette fonction. On parle du Nur-Notar, notaire exclusif. C’est le cas notamment en Bavière et dans d’autres régions du Sud de l’Allemagne à l’exception du Württemberg ainsi qu’en Saxe où on l’a adopté après la réunification. Dans le nord et l’est de l’Allemagne, fortement influencé par la Prusse, on a opté pour l’avocat-notaire. Par conséquent il faut consulter la réglementation de l’organisation de chaque État fédéré (Bundesland). À cela il faut ajouter, pour le Württemberg, le Bezirksnotar, littéralement traduit par notaire de district, qui est un fonctionnaire de l’État. Dans cette variante, le notariat est une unité administrative de l’État fédéré Bade-Württemberg limitée à la partie qui dans le passé avait formé le royaume du Württemberg. Dans la partie du Bade-Württemberg qui, dans le passé, a constitué le grand duché de Bade, le notaire est notaire exclusif comme en Bavière. Par la suite je me limiterai aux notaires exclusifs et aux avocats-notaires.

La différence entraîne que la formation du notaire et l’organisation du notariat ne sont pas les mêmes. Le notaire exclusif commence sa carrière, après le deuxième examen d’État, qui joue un rôle de concours avec classement, et sa nomination d’assesseur de notaire (Notarassessor). Celui-ci exerce déjà les fonctions de notaire, mais travaille sous le contrôle du notaire auquel il est attribué. Il est rémunéré par la chambre des notaires (§ 7, 4e al.) comme fonctionnaire. Après un minimum de trois ans de service, l’assesseur peut être nommé notaire en fonction de la disponibilité des offices. Concernant l’avocat-notaire, l’intéressé doit être inscrit comme avocat depuis cinq ans et avoir une activité d’au moins trois ans dans le ressort de l’activité de notaire envisagée avant de se soumettre à un examen spécial ayant fonction de concours. Selon le résultat et le classement du candidat, il peut être nommé notaire. L’examen et la procédure de la nomination sont réglés très en détail. J’aimerais ajouter un petit détail qui peut-être, n’est pas important, mais qui pourrait surprendre un juriste français, témoignant que l’Allemagne n’est pas une république laïque comme la France. Le paragraphe 13 de la loi sur les notaires impose au futur notaire, lors de la remise du document de nomination le serment suivant :

« Je jure devant Dieu, le Tout-puissant et Omniscient, de respecter l’ordre constitutionnel et de remplir consciemment et impartialement toutes les obligations de notaire, aussi bien que Dieu veuille m’aider ».

Cette formule, probablement, est conservée depuis des siècles comme les pratiques de dresser les actes authentiques. Il échappe à ma connaissance de savoir si le serment religieux a une influence sur la pratique du notaire conscient que le bon Dieu l’observe par dessus l’épaule.
Il ne me reste que peu de temps pour ajouter quelques remarques sur la mise en commun de l’activité notariale sous la forme de sociétés et sur le problème des sociétés avocats-notaires. En principe le législateur, concernant l’admission, est assez libéral. Mais il a imposé l’obligation et la garantie de l’indépendance et de la non-ingérence des activités d’avocat et de notaire (paragraphes 9, 3e al. et 28 de la loi sur les notaires). Cela n’empêche pas que le nombre des actions en responsabilité pour inexécution de l’obligation de séparer strictement les activités semble relativement élevé. Mais cela serait un sujet supplémentaire comme également le problème de l’interdiction de la publicité, réglé différemment pour les avocats (§ 43 b de la loi sur les avocats ; §§ 6 et suiv. du règlement de déontologie) et les notaires (§ 29, 2e al. de la loi sur les notaires)11Comp. Ring, Werberecht für Nur-Notare, NJOZ 2009, 448 et suiv.. Je note seulement que le problème de la publicité est devenu le sujet d’une imposante discussion. Cela comme beaucoup d’autres sujets sera laissé en suspens. C’est la raison pour laquelle je ne peux terminer qu’avec une phrase empruntée à Theodor Fontane, fameux écrivain prussien de la deuxième moitié du 19e siècle : il y a encore un champ très vaste à labourer.

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